Le verre déposé dans les bornes d’apport n’est pas le seul gisement de matière disponible. Il en existe d’autres dans les milieux professionnels. Ce sont ces petits gisements cumulés que Mathieu Troubé, fondateur de Glass Ter Nature, compte exploiter pour proposer trois produits de jusque-ici importés.
C’ est peu de dire que Mathieu Troubé a le sourire. Son projet, ralenti à cause de la crise sanitaire, est reparti sur les rails grâce à France Relance. L’aide d’Etat de 600 000 euros ouvre la voie au montage financier de l’investissement (environ quatre millions d’euros). C’est l’avant-dernière étape avant la construction de l’unité de production à Saint-Benoît à partir de septembre prochain. L’objectif est pouvoir démarrer l’activité au cours du premier trimestre de 2022. Tous les feux sont donc au vert pour ce beau projet qui a convaincu de sa pertinence et de sa viabilité, non seulement l’Etat, mais auparavant tous les jurys de concours qui l’ont examiné. Ce fut d’abord, en 2018, le jury du concours des Assises de l’Outre-Mer, séduit par l’idée de Mathieu Trouvé. Ensuite le concours Startupper de Total Réunion dont il est l’un des lauréats en 2019. Il est aussi lauréat du concours Synergie Jeunes Océan Indien, puis de l’appel à projets d’économie circulaire régional Ademe-Région.
De la Guyane à la Réunion
« Mon but, c’est de valoriser l’humain en valorisant la matière » déclare Mathieu Troubé qui définit Glass Ter Native comme un « projet écologique, économique et social ». Issu d’un milieu modeste, le jeune entrepreneur trouve là une vocation. L’histoire de Glass Ter Nature débute sur les rives du Maroni, en Guyane, lorsque la chienne de Mathieu Troubé se blesse la patte sur un débris de verre. L’indignation se transforme en une réflexion qui le conduit à s’intéresser aux travaux d’une scientifique, Rachida Idir, sur les multiples possibilités de valorisation du verre. L’idée initiale devient un projet industriel à l’arrivée de Mathieu Troubé à la Réunion en 2018. A peine arrivé, il frappe à la porte du Medef-Réunion qui lui propose l’accompagnement du Mentorlab, conçu typiquement pour les jeunes entrepreneurs sans expérience comme lui. Et c’est avec l’appui de ses deux « mentors », Rémi Voluer et Julie Blanchard, de l’agence de conseil digital et innovation Seyes, que le projet est parvenu à maturité.
Un projet d’import-substitution
« Il s’agit de proposer une solution de plus et non de se substituer à ce qui existe déjà » tient souligner Mathieu Troubé. Le gisement des déchets de verre est estimé à la Réunion à 40 000 tonnes par an. Il est principalement constitué des dépôts des particuliers dans les bornes d’apport volontaires. Ce verre-là est exporté en Afrique du Sud où il est fondu et recyclé. Mais, à côté de ce gisement principal, il existe des gisements non exploités ou non valorisés. Notamment le verre du BTP issu des travaux de démolition, ou le verre des bouteilles du CHR dont la collecte est payante. Sans oublier le verre sauvage… L’ensemble est évalué entre 7 et 10 000 tonnes par an. De quoi alimenter, sans gêner personne, l’unité de Glass Ter Native. Le projet a consisté à identifier ces sources et à s’assurer de la faisabilité technique et des débouchés commerciaux de trois produits actuellement importés : le granulat de verre de filtration (pour les piscines en particulier) ; l’abrasif de sablage (micro-billes de verre pour le décapage de pièces industrielles, carrosseries, coques de bateau…) ; la poudre de verre (pour les bétons de préfabrication servant aux bordures de trottoir, bancs, dallages…). Le projet est aujourd’hui sécurisé sur tous les plans.