L’écocité, avec ses 35 000 logements projetés, s’annonce le projet du siècle de La Réunion. Les multiples aménagements économiques et urbains relevant du label de l’écocité s’inscrivent dans un futur couvrant les trois communes du Territoire de l’Ouest, Saint-Paul, Le Port et La Possession. C’est en particulier l’écoquartier Phaonce, sur l’ancien site de l’antenne Oméga, qui va profondément faire évoluer la commune de Saint-Paul, comme le montrent plusieurs réalisations d’envergure qui doivent débuter d’ici l’année prochaine.
S’il est difficile aujourd’hui pour les entreprises de se projeter sur le long terme, elles ne peuvent ignorer les développements qui s’annoncent dans l’Ouest. Celui notamment de la « ville du quart d’heure » : Emmanuel Séraphin, maire de Saint-Paul et président de la Communauté d’agglomération Territoire de l’Ouest, cite souvent cette expression pour qualifier sa vision du futur du centre-ville urbain de la commune dans l’ensemble du projet d’écocité. Comprendre : la ville qui, pour tous les habitants, mettra les services publics, et réduira les déplacements entre domicile et travail, à « un quart d’heure ». Une gageure aujourd’hui à La Réunion.
L’analyse du marché de l’immobilier que réalise chaque année la société immobilière Inovista pointe justement cette année le rôle clé que devrait jouer l’aménagement du territoire pour rapprocher lieux de travail et domiciles, si l’île veut échapper au coma circulatoire qui la menace de tous côtés. C’est dans ce sens que l’ambition de la « ville du quart d’heure » est d’avant-garde à La Réunion. D’autant qu’elle s’accompagne de l’idée de redonner à Saint-Paul le rayonnement de ville pionnière qui fut le sien historiquement, le croissant urbain saint-paulois ayant été le premier bassin de peuplement de l’île. Les diverses initiatives relatives à la qualité de vie et au développement durable menées actuellement par la municipalité (projet SWAC d’énergie marine, mobilités douces avec la location de vélos électriques, trottinettes et scooters, ouverture d’une baignade en baie de Saint-Paul, transats le long de la promenade du front de mer, agrandissement de la ssalle Léspas Leconte de Lisle, etc.) répondent à des besoins actuels, mais doivent se lire dans cette perspective de faire de Saint-Paul une ville attrayante pour les générations qui viendront progressivement résider sur la commune à mesure de l’avancée de l’écoquartier Phaonce. Ce quartier futuriste sera le « cœur battant » de l’écocité. Il a été baptisé fin janvier Phaonce, du nom d’un des principaux chefs marrons à l’époque des révoltes contre l’esclavage.
L’écocité de La Réunion
Quelques chiffres pour rappeler l’ampleur du projet de l’écocité : 5 000 hectares à aménager et 14 opérations d’aménagement sur les trois communes, un total de 350 000 m2 de surfaces de plancher destinées aux activités économiques, un horizon d’achèvement autour de 2050. Plusieurs réalisations sont déjà en cours, comme le Cœur de Ville de La Possession ou le campus de l’innovation sur le triangle de l’Oasis au Port. Le démarrage des travaux de l’espace économique Henri-Cornu qui, sur Cambaie, aménagera 24 ha d’activités tertiaires, artisanales, industrielles et commerciales, dont une partie consacrées aux énergies renouvelables, est espéré l’année prochaine. Le Port concentre l’opération de la zone Industrialo-portuaire qui ne devrait plus tarder non plus à voir ses premiers travaux après la signature le 30 avril, entre le Grand Port maritime de La Réunion et le Département, propriétaire des terrains, d’un bail emphytéotique d’une durée de 75 ans portant sur 17,5 ha. L’écocité inclut également les projets du mail et de la porte de l’Océan, qui doivent ouvrir la cité portuaire vers la mer. Quant à l’écoquartier Phaonce, il concentrera une bonne partie des 35 000 nouveaux logements prévus. Le renouvellement urbain du centre-ville de Saint-Paul, avec la structuration des entrées nord et sud, du front de mer et de l’hyper-centre, doit mettre le berceau historique du peuplement de La Réunion au diapason des attentes des Réunionnaises et Réunionnais du XXIe siècle qui habiteront et travailleront dans l’écocité.
Le projet Vacoa, symbole d’une nouvelle modernité
Lancée en juillet 2022, Kreolab’ est une consultation d’aménagement et d’urbanisme conçue dans le cadre de l’écocité pour faire émerger des projets représentatifs de « la ville tropicale et bioclimatique de demain ». On parle ainsi de « démonstrateurs de l’écocité, exemplaires et innovants. » La première réalisation issue de l’appel à projets urbains Kreolab’ va voir le jour sur l’îlot de l’entrée nord de la ville de Saint-Paul. Baptisé Vacoa, ce projet a été proposé par CBo Territoria. Il s’agira d’un « bâtiment totem » sur la chaussée Royale, « symbole de l’architecture tropicale de demain. » D’une architecture s’inspirant du vacoa tressé, l’ensemble immobilier organisera trois bâtiments, d’une surface de 8 000 m2, autour d’un jardin. On y trouvera des logements (65 logements du T2 au T4), des bureaux dans les étages (3 500 m2), et des commerces en rez-de-chaussée (500 m2). Un supermarché et une résidence pour personnes âgées complèteront l’opération. Le tout à proximité de la gare routière de Saint-Paul. La construction de Vacoa débutera au second semestre.
Un pôle d’industries créatives sur le front de mer
Saint-Paul a la volonté de devenir le centre de ressources des industries créatives de La Réunion. La commune poursuit un projet où se fonctionneront côte à côte et en synergie l’école d’animation Rubika, qui doit ouvrir en septembre prochain, et un futur pôle territorial des industries culturelles et créatives. Rubika, école d’excellence en design, d’animation et de jeu vidéo, ouvre à La Réunion son premier campus hors de l’Hexagone. Cette implantation répond au besoin des entreprises de la filière de création numérique, animation et jeu vidéo, qui est en train de se développer dans l’île, à l’initiative en particulier du studio Gao Shan Pictures *. Le campus Rubika Réunion accueillera ses premiers élèves au sein de l’immeuble Cimendef en attendant la réhabilitation de l’ancienne école Eugène-Dayot du front de mer, qui sera son siège définitif à partir de 2026. Le pôle territorial des industries culturelles et créatives serait construit à côté. Ce projet porté par le Territoire de l’Ouest, la Région Réunion et Gao Shan Pictures s’inscrit dans le cadre des appels à projets de France 2030. Son objectif est de mettre à la disposition des acteurs culturels réunionnais du cinéma, de la création numérique et du spectacle vivant des équipements mutualisés qui leur permettront de progresser.
En centre-ville, la jonction du passé et du futur
Parmi les projets du renouvellement urbain les plus marquants du centre-ville de Saint-Paul, on peut citer la réhabilitation du marché couvert, qui va devenir un food court, une aire de restauration rapide regroupant diverses offres de cuisines, avec une partie artisanale, comme on en trouve aujourd’hui dans plusieurs villes de France. Un futur lieu de rencontre pour les clientèles locale et touristique. Mais c’est sans conteste le réaménagement du site de l’ancien centre hospitalier Gabriel-Martin et de ses environs qui va le plus marquer les esprits. La future mairie de Saint-Paul, qui rassemblera les services minimaux dispersés dans l’agglomération, y prendra place, au côté de commerces et d’un parking en silo. Ce pôle administratif et commercial va non seulement étendre le cœur animé de la ville, mais souligner la mise en valeur de l’axe historique oublié de Saint-Paul, à savoir la rue Labourdonnais reliant l’église de Saint-Paul, qui fut la première construite sur l’île, à la baie où débarquaient les nouveaux arrivants, colons et esclaves. Du parvis de l’église à la mer, cette rue va retrouver une signification symbolique. Les travaux de réhabilitation du débarcadère, construit en 2008-2009 pratiquement au débouché de la rue Labourdonnais, débuteront en fin d’année. Ils seront comme le premier geste de cette future « signature » urbanistique, qui relira le passé de Saint-Paul à son futur.
* Lire aussi « La Réunion, actrice de premier plan du cinéma d’animation francais », dans Leader Réunion n° 230, mars 2024, et sur leaderreunion.fr