Crise de la Covid-19, guerre en Ukraine, tension en mer Rouge : confrontée au chamboulement de ses routes d’approvisionnement en huiles brutes, la Société de production des huiles de Bourbon (SPHB), qui fêtera bientôt ses 40 ans, en a fait la source d’une réflexion sur son métier, sa stratégie, sa place dans l’économie locale et la société réunionnaise. Durant ces différentes crises, les rayons de la GMS réunionnaise ont connu peu de rupture de stock et la SPHB a même diversifié son offre pour que les familles continuent d’avoir accès à une huile de qualité malgré l’inflation. Cette fidélité du service est à l’actif du directeur général de la SPHB, Jean-Marie Ollivier, et de son équipe, avec l’appui de Lesieur, dont la SPHB est une filiale depuis 2015. De la réflexion générée par cette période compliquée est née une « mise à jour » du plan stratégique de la SPHB. Tout en maintenant le grand cap de la modernisation, la SPHB en a clarifié les finalités et les moyens. Dans l’entretien qu’il nous a accordé, Jean-Marie Ollivier reprend, point par point, les différents aspects de cette clarification, du recentrage de l’entreprise sur la production d’huile à son ancrage local, en passant par le positionnement de ses marques et ses multiples initiatives en matière de RSE. Autant de volets d’une stratégie renouvelée qui donnent un nouvel élan à l’entreprise.
La ligne d’embouteillage a été complètement renouvelée : à gauche, l’étiqueteuse automatique; à droite, le robot de conditionnement.
Leader Réunion : Comment se porte la Société de production des huiles de Bourbon en cette fin de premier semestre 2024 ?
Jean-Marie Ollivier : En 2023, la SPHB a remis à jour son plan stratégique. Nous avions été pas mal ballotés entre 2020 et 2022, entre la crise sanitaire de la Covid-19, puis la guerre en Ukraine. Cette remise à jour du plan stratégique nous a permis de nous refixer un cap. Et ce cap est très clair : c’est de nous concentrer sur nos activités de production d’huiles. Cette vision a été partagée avec l’ensemble des collaborateurs. Elle donne aujourd’hui à notre activité un sens et un nouveau souffle en clarifiant ce que nous souhaitons faire.
Quel regard portez-vous sur les perspectives économiques de l’année ?
Le début de l’année 2024 a été perturbé par les difficultés en mer Rouge, qui ont affecté la logistique de tous les intervenants à La Réunion. Plusieurs centaines de tonnes d’huiles brutes que nous attendions ne sont pas arrivées dans les temps. Nous possédions un stock stratégique de produits finis et bruts qui nous a permis de continuer à travailler et de livrer normalement les clients. Il n’y a pas eu de rupture de stock. Au-delà, a-t-on un marché qui se tend ? C’est difficile à dire. On ne peut pas nier qu’il y a de l’inflation, de la tension sur les marchés avec tous les conflits, et une certaine morosité. On voit, malgré tout, que La Réunion possède une capacité de résilience, avec une population qui augmente de façon régulière, un tissu économique actif, un tourisme très dynamique. Donc, même s’il y a des sujets de fond qui suscitent des interrogations, je suis plutôt optimiste pour l’avenir.
Quelle est la situation sur le marché des matières premières des huiles alimentaires ?
Le marché des huiles a toujours été un marché mondial : il l’est encore plus depuis deux ou trois. Le grenier à blé et à tournesol était en Ukraine et en Russie : 80 % de la production d’huiles brutes se faisait là-bas, avec des flux réguliers. Ce marché relativement stable, la guerre en Ukraine l’a déstabilisé. L’accès à la graine devenant difficile, la transformation sur place très compliquée, les cours ont augmenté de façon très importante. Les routes d’acheminement des produits ont changé. L’autre nouvel élément influençant le marché des huiles, c’est le développement des biocarburants. Leur développement met de la pression sur le marché, qui connaît donc une très grande volatilité. Entre les différents types d’huiles, les biocarburants, une offre et une demande en mouvement permanent au niveau mondial, appréhender les aléas de ce marché n’est pas un long fleuve tranquille.
Qu’en est-il du marché réunionnais ?
A La Réunion, le marché est principalement orienté vers le tournesol et le colza. L’année 2022 avait enregistré une baisse de volumes liée à la forte hausse des prix et aux problèmes d’approvisionnement. On peut dire que la crise, avec ses prix très élevés, est derrière nous. Le tournesol et le colza sont revenus à des niveaux de prix assez proches de ce qu’ils étaient avant la guerre en Ukraine. La reprise des volumes de ventes a été d’environ 10 % en 2023. Nous avons changé nos sources d’approvisionnement. Nous nous approvisionnons dorénavant en métropole, où des filières se développent pour produire du colza et du tournesol. Nous achetons par exemple du colza 100 % français. C’est un élément extrêmement positif. Nous sommes moins affectés par les aléas du marché. En ce début de 2024, le marché demeure stable. L’élément qui s’intensifie, c’est l’importance prise par l’effet d’aubaine des promotions en magasins. Avec un panier moyen qui a quand même beaucoup augmenté et une inflation qui persiste, le consommateur est sensible à cet effet d’aubaine. C’est un phénomène marqué à La Réunion et on l’observe très nettement sur les huiles.
Il y a quelques années, la consommation d’huile de cuisine des Réunionnais était estimée au double ou au triple de celle des Métropolitains ! Est-ce toujours le cas ou les habitudes alimentaires locales évoluent-elles ?
Elles évoluent. Il y a toujours de gros consommateurs d’huile à La Réunion. Mais on constate des changements de comportement. Lorsqu’on fait le ratio entre la quantité d’huile vendue dans l’Hexagone et à La Réunion, on voit que l’écart se réduit. La consommation à La Réunion est estimée entre 15 et 16 litres par habitant et par an. En métropole, on est autour de 12 litres. Le nombre croissant d’habitants fait que le marché dans sa globalité reste à la hausse, mais une transformation se produit à l’intérieur. Le consommateur s’éduque. Nous faisons d’ailleurs des campagnes d’information dans ce but. Consommer moins, mais mieux : le message gagne du terrain. Un produit premium comme ISIO 4, mélange de quatre huiles extrêmement intéressant sur le plan nutritionnel, trouve écho auprès des consommateurs réunionnais. L’huile d’olive, avec sa forte connotation santé, progresse également : elle représente aujourd’hui 5 à 6 % des huiles consommées à La Réunion. Le colza aussi a des qualités nutritionnelles reconnues. Tous ces segments sont en progression.
Vos trois marques phares, Lesieur, ISIO 4, Corbeille d’Or, permettent-elles toujours de couvrir l’ensemble du marché local ?
Il n’y a pas fondamentalement de changement de positionnement, mais une approche plus claire des produits. ISIO 4 est notre fer de lance, notre premium. Ce produit est tout à fait unique sur le plan nutritionnel en apportant des vitamines D et E, que l’on ne trouve pas dans tous les aliments. Son rapport entre oméga 3 et oméga 6 est très bon. Ce n’est pas un alicament, cela reste un produit alimentaire, un produit de plaisir même, mais il présente un véritable intérêt pour la santé et les Réunionnais l’ont bien compris ! Pour les femmes enceintes. Pour les actifs en contribuant à la prévention du risque cardio-vasculaire. Pour les seniors qui ont besoin des acides gras omégas. La communication sur ISIO 4 en métropole met en avant ces bénéfices. Nous allons la décliner à La Réunion. L’huile ISIO 4 est fabriquée localement.
Comment se positionnent vos autres marques ?
Lesieur est la « reine des huiles » de l’avis des Réunionnais eux-mêmes. Lesieur, c’est l’excellent rapport qualité-prix et l’allié culinaire du quotidien des familles réunionnaises, fabriquée sur notre île. Corbeille d’Or, qui est une des marques préférées locales, répond aux spécificités du marché réunionnais. C’est un des enseignements d’une étude consommateur réalisée ces derniers mois. Si les condiments Corbeille d’Or aux formats GMS ont été arrêtés, la marque va se focaliser sur son savoir-faire premier pour progresser sur les gammes d’huile, à l’image du 100 % Colza et du Duo Olive-Tournesol Corbeille d’Or, une innovation signée SPHB. En apportant 20 % d’huile d’olive au mélange de Duo, nous proposons un produit ayant un très bon goût d’huile d’olive à un prix attractif. Ce produit fait son chemin. Nous développons aussi notre gamme pour les professionnels, en format de 5 litres, sous la marque Corbeille d’Or Professionnel. Ce sont des mélanges d’huiles spécifiques pour la friture et l’assaisonnement, qui font gagner du temps aux restaurateurs et génèrent moins de déchets d’emballage. Nous réfléchissons à décliner Corbeille d’Or sur d’autres segments. Enfin, nous avons notre marque d’huile d’olive, Maurel. Une huile d’olive vierge extra d’origine espagnole, que nous ne fabriquons pas mais que nous embouteillons. Auparavant plutôt positionnée en entrée de gamme, Maurel est devenue une marque qualitative offrant un excellent rapport qualité-prix sur le marché de l’huile d’olive.
Le prix de l’huile d’olive a beaucoup plus augmenté que celui des autres huiles. Quelle en est la raison ?
C’est indéniablement les crises climatiques de ces deux dernières années qui en sont la raison. En effet, le premier pays producteur d’huile d’olive est l’Espagne. La production espagnole s’est effondrée de 50 % à cause de deux années consécutives d’une sécheresse extrêmement sévère. Le manque d’eau a été tel que de nombreux oliviers, un arbre pourtant habitué aux climats semi-arides, sont morts. Le marché de l’huile d’olive a été déstabilisé par cette chute de production considérable. Les cours du marché de l’huile d’olive ont augmenté de 112 % depuis septembre 2022 ! L’attrait des consommateurs pour l’huile d’olive ne diminue pas, mais avec de tels prix ils cherchent des substituts. Nos huiles Corbeille d’Or Duo et Maurel, par leur rapport qualité-prix, en font clairement partie. Néanmoins Puget, qui est une marque Avril que nous distribuons, reste le numéro un de l’huile d’olive en France et à La Réunion. Avec 25 % de part de marché, Puget est est la première huile d’olive consommée localement. Nous avons aussi dans notre portefeuille de marques Costa d’Oro, une huile d’olive d’origine italienne de grande qualité, et Soléou, marque d’huile d’olive 100 % bio.
Des nouveautés sont-elles prévues cette année sur vos marques ?
Dans le cadre du BQP, nous venons de lancer une nouvelle référence : l’huile Bourbon. Nous ravivons cette marque ancienne de la SPHB en la positionnant comme produit d’entrée de gamme. Nous lançons aussi l’huile de colza Corbeille d’Or. Corbeille d’Or Colza est un nouveau choix offert aux consommateurs. Sous la marque Corbeille d’Or Professionnel, nous lançons les nouvelles références en format de 5 litres que j’évoquais. Pour ce faire, nous faisons monter en puissance notre ligne de production des conditionnements de 5 litres. La demande est là. Parmi les nouveautés venant des autres filiales Avril, Lesieur Ma Popote !, de la marque Lesieur, lancée en début d’année, est sans doute la plus marquante. Lesieur crée un nouveau segment avec Lesieur Ma Popote ! : le cœur de repas 100 % végétal. Rapides, savoureuses et faciles à utiliser, ces neuf références se réchauffent au micro-onde, et on peut y ajouter ce que l’on veut. On trouve entre autres dans Lesieur Ma Popote ! des haricots rouges et des lentilles, qui créent une affinité avec la cuisine réunionnaise. Les retours sur Lesieur Ma Popote ! sont très positifs à La Réunion, plus qu’en métropole. C’est une grande joie.
N’est-ce pas une petite révolution pour Lesieur de sortir de l’univers des huiles ?
Lesieur fait partie des marques préférées des Français. Estampiller ce nouveau segment avec cette marque, populaire et gage de qualité, a paru légitime. Lesieur Ma Popote ! répond à de nouveaux modes de consommation, qui se développent à La Réunion aussi.
Avec Corbeille d’Or Professionnel, SPHB a l’ambition de développer son activité de food service ?
Développer cette activité est dans notre stratégie et nos objectifs. Nous adaptons notre offre aux professionnels, en production locale avec la marque Corbeille d’Or pour les huiles et avec Lesieur Professionnel pour la partie sauces et vinaigrettes. Lesieur Professionnel développe des formats pratiques destinés à la restauration, comme le distributeur pingouin de mayonnaise, de ketchup et d’autres sauces, d’un format de 4 à 5 kilos. Lesieur Professionnel a conçu également une gamme de mayonnaises haute fermeté, qui fait un carton dans le milieu professionnel en métropole. C’est une mayonnaise dont la texture plus ferme évite les inconvénients de la mayonnaise trop coulante. Ces produits seront disponibles à La Réunion dans les prochaines semaines.
Avec la prolifération des labels en tous genres, la définition de la production locale continue de faire débat chez certains. Pouvez-vous rappeler l’activité industrielle de la SPHB qui justifie le label Nou la fé de vos produits ?
Notre métier est le raffinage des huiles alimentaires. Nous sommes une industrie agroalimentaire lourde. Nous recevons les huiles brutes obtenues par l’écrasement des graines, ce qui s’appelle la trituration. Nous raffinons ces huiles brutes. Ce processus passe par plusieurs étapes. Les huiles brutes peuvent contenir des résidus de pesticides, des traces de terre, des impuretés diverses : nous enlevons tous ces éléments pour rendre l’huile consommable. C’est l’étape de la neutralisation. Vient ensuite la désodorisation : les huiles brutes ayant des odeurs très puissantes, nous les rendons neutres à l’odorat. La troisième étape est celle de la décoloration : ces huiles épaisses ont des teintes de caramel à chocolat, le raffinage leur donne les couleurs que nous connaissons, du blond au blanc doré. Prenons l’exemple d’ISIO 4, qui est un mélange de quatre huiles : tournesol, colza, Oléisol (huile de tournesol à haute teneur en acide oléique), et lin. Les trois premières sont importées brutes, raffinées et mélangées à La Réunion. Seule l’huile de lin, employée en trop petite quantité dans le mélange, n’est pas raffinée localement. Nous embouteillons nous-mêmes toutes ces huiles raffinées. Nous transformons donc un produit brut en un produit fini. C’est une véritable activité de fabrication.
Vous êtes un défenseur de Nou la Fé. Pensez-vous que, sans Nou la fé, la SPHB ne serait pas là où elle en est aujourd’hui ?
C’est sans doute exagéré. Mais il y a un vrai message dans Nou la fé. On voit bien que la marque est connue et reconnue par les consommateurs, même si sa notoriété pourrait encore progresser. Elle va bientôt fêter ses 15 ans. Fin 2022, un travail de clarification a été entrepris pour mieux définir Nou la fé, notamment par rapport aux autres labels locaux. Derrière Nou la fé, il y a non seulement des produits, mais des savoir-faire de transformation spécifiques, avec des métiers rares, voire uniques dans l’île. Nous sommes quatre raffineurs à La Réunion ! Tous les adhérents sont désormais visités par un auditeur externe qui doit confirmer un stade de transformation de matières premières et l’engagement RSE des entreprises. Néanmoins, mon sentiment est qu’il y-a trop de marques, de labels ou de signes de qualité dans le département. Cette dispersion est préjudiciable à l’efficacité du message. Lorsque nous discutons entre porteurs de Nou la fé, nous prenons souvent l’exemple de la Bretagne. Je ne dis pas cela parce que je suis d’origine bretonne, mais je pense sincèrement que la marque Produit en Bretagne a trouvé le bon levier. Avec elle, toute la Bretagne est mise en avant. Elle fait consensus. La Réunion a besoin d’une telle vision globale et partagée.
Vous avez introduit le Nutri-Score pour des huiles fabriquées à La Réunion. Très peu d’entreprises réunionnaises ont franchi ce pas. Quels sont les produits de la SPHB qui affichent aujourd’hui ce label national des valeurs nutritionnelles ?
Toutes nos huiles Lesieur ont le Nutri-Score C ou D, étant des corps gras. Ce label est avant tout une information pour nos consommateurs, c’est un moyen de les éduquer à une consommation plus raisonnable et transparente sur l’huile alimentaire. Trois à quatre cuillères d’huile par jour : c’est le conseil des nutritionnistes. L’important est dans la diversité des huiles consommées et la modération. La très bonne nouvelle, c’est que le Nutri-Score évolue et fait désormais la part belle aux nutriments contenus dans les huiles Lesieur, qui afficheront prochainement, au rythme de renouvellement des étiquettes, la note de B.
Dès votre arrivée à la direction de la SPHB, vous avez entrepris de revoir le conditionnement des produits afin de réduire les quantités deplastique, de carton et des autres matériaux. Une nouvelle bouteille d’ISIO 4 plus légère a vu le jour, et 25 % de PET recyclé (rPET) a été intégré dans toutes vos bouteilles. Votre objectif était d’atteindre 50 %, voire 100 % à terme. Avez-vous pu poursuivre dans cette voie ?
Notre raison d’être est Servir la terre, c’est donc tout naturellement que la SPHB s’engage à réduire ses emballages. La législation fixe un objectif de 30 % sur le taux de rPET dans les emballages plastiques en 2030. Nous n’en sommes pas loin. Nos bouteilles de plastique, qui sont soufflées sur place, contiennent 25 % de rPET. Nous avons revu à la baisse le grammage des bouteilles et le poids des bouchons. La SPHB produit dix millions de bouteilles par an et, avec ces mesures, notre consommation de plastique a diminué de plusieurs dizaines de tonnes ! Des tests sont en cours avec notre fournisseur pour passer à 50 % de rPET à l’horizon de la fin 2024 ou en 2025. Et nous espérons passer à 100 % en 2026. Nous y arriverons assez vite avec les bouteilles en couleur. Ce sera un peu plus compliqué avec les emballages transparents, car 100 % de rPET donne un aspect un peu matifié à la bouteille. Des solutions sont à l’étude. Nous voulons aussi participer au développement d’une filière locale de recyclage des emballages de plastique, ce qui paraît logique sur une île.
La SPHB s’intéresse au projet de revalorisation des huiles alimentaires sous forme de lubrifiant de la start-up Biofuel
Biofuel développe un projet fondé sur deux idées : la collecte des huiles alimentaires usagées auprès des restaurateurs, qui sont soumis à une réglementation dès lors qu’ils utilisent plus de 60 litres d’huile par an ; et la valorisation de ces huiles résiduelles pour fabriquer du biocarburant. Nous discutons effectivement avec cette start-up pour trouver des synergies. J’ajoute que Avril est un important producteur de biocarburant. Il a été choisi comme fournisseur du biofuel de la centrale EDF du Port-Est, dont la conversion à la biomasse liquide s’est achevée en décembre dernier. Il y a donc là un sujet qui nous intéresse directement.
Cette politique RSE est aussi celle d’Avril ?
Avril a une raison d’être, que nous partageons en tant que filiale et par conviction : « Servir la terre. » Avril, qui a fêté ses 40 ans récemment, a été créé et est toujours dirigé par des producteurs agricoles. Le groupe se caractérise par l’absence de tout dividende. Tous les bénéfices sont réinvestis. C’est un modèle absolument unique. Sa raison d’être se décline en six piliers. Premier pilier : agir pour une agriculture respectueuse de la planète. C’est une des raisons pour lesquelles la SPHB est engagée dans la filière colza en France. Deuxième pilier : agir pour des filières locales. Nous lançons prochainement, en partenariat avec l’institut technique Armeflhor, un programme d’étude d’une culture du tournesol à La Réunion. Troisième et quatrième piliers : la protection des ressources et de la biodiversité. Le développement du rPET et notre plan pour réduire nos consommations d’eau et d’électricité vont dans ce sens. Une jeune ingénieure réunionnaise a été recrutée pour nous aider à intégrer le green management dans notre fonctionnement et nos investissements. Cinquième pilier : agir pour le climat. Pour réduire notre impact carbone, nous allons optimiser le transport de nos matières premières en citerne. Des citernes transportant du rhum en Europe reviendront avec nos huiles brutes au lieu de rentrer à vide. Nous nous intéressons aussi aux projets locaux de méthanisation pour traiter nos déchets d’huile. Sixième pilier : agir pour l’inclusion et le collectif. N’est-ce pas ce que vit La Réunion tous les jours ? Des gens de tous horizons travaillent à la SPHB. L’inclusion, c’est aussi la formation qui permet aux femmes et aux hommes de l’entreprise de progresser.
Depuis sa reprise par Lesieur en 2015, la SPHB n’a cessé d’investir dans son outil de production. De nouveaux investissements sont prévus cette année. Quels sont à présent vos objectifs de modernisation industrielle ?
Les investissements n’ont jamais cessé et se sont accélérés ces dernières années. Pourquoi ? L’usine va avoir 40 ans. Un certain nombre d’équipements avait besoin d’être remis en état ou renouvelé. Un gros travail de modernisation est entrepris depuis deux ans sur notre ligne d’embouteillage. Nous avons commencé par la tête de ligne, la production des bouteilles. En intégrant le rPET, nous avons remplacé notre étiqueteuse. En 2023 et début 2024, nous avons complètement changé le bout de ligne avec la mise en place de robots anthropomorphes. Ces robots prennent les bouteilles et les mettent en carton ou en présentoir. Ils suppriment les tâches répétitives et nous permettent de monter en cadence avec le même nombre de salariés. Les salariés qui étaient sur la ligne ont été formés pour devenir des opérateurs pilotes de machine. Ils sont montés en compétence. Nous travaillons aussi à améliorer l’environnement du travail. Nous sommes en train de refaire les parties communes, d’aménager nos parkings, là encore pour améliorer la sécurité et le confort des collaborateurs. La sécurité est la clé d’entrée de tous nos investissements, notre priorité numéro un : sécurité des personnes, des produits et des machines. Notre plan d’investissement pour les cinq à six ans à venir continuera d’optimiser le site dans l’objectif du zéro accident et en cohérence avec nos autres objectifs de RSE. Nous investissons plusieurs millions d’euros.
L’OMBRE DE LA RÉFORME DE L’OCTROI DE MER
La SPHB, c’est-à-dire la production locale d’huiles alimentaires, qui avant sa naissance en 1985 étaient importées, fournit un exemple de l’inquiétude que suscite dans l’industrie réunionnaise le projet de l’État de réformer l’octroi de mer, outil financier protégeant l’industrie locale en taxant davantage les produits importés. Face à des concurrents de taille nationale ou internationale aux volumes et aux coûts de production très inférieurs à ceux des industriels insulaires, du fait des économies d’échelle, l’octroi de mer permet aux industriels locaux d’être compétitifs et d’avoir une visibilité sans laquelle il leur est difficile d’investir. La perte de cet avantage aurait nécessairement une incidence sur les politiques d’investissement des industriels locaux. D’où l’interrogation du milieu industriel local, que Jean-Marie Ollivier ne cache pas partager.
Jean-Marie Ollivier : l’agroalimentaire sous toutes ses facettes
Le directeur général de la SPHB a fait toute sa carrière dans l’agroalimentaire. Après dix années dans l’export et le développement de marque, et plus particulièrement de la marque Elle & Vire dans les DOM-TOM et en Afrique pour Bongrain, il a poursuivi dans le B2B et a développé pendant onze ans le marché des fromages utilisés comme ingrédient par les professionnels de l’agroalimentaire, multipliant le chiffre d’affaires de cette filiale Savencia par quatre. Ce sont ces expériences qu’il a mis au service de la SPHB, dès septembre 2020, en devenant industriel, dernière corde qui manquait à son arc.