Les entreprises doivent faire évoluer leurs métiers pour intégrer le développement durable. Lors d’un atelier animé par Walter France au salon Produrable, les fondateurs de la société ARI Pictures ont apporté leur témoignage et expliqué comment il est possible, quelle que soit son activité, de s’adapter pour être plus durable tout en restant performant.
Les entreprises sont de plus en plus nombreuses à comprendre qu’elles ont un rôle fondamental à jouer dans la préservation de la planète. Mais entre la prise de conscience et les réalisations concrètes, plusieurs années peuvent s’écouler. Selon Yveline Pouillot, en charge de la RSE au sein de Walter France, il est illusoire de vouloir faire la révolution au sein de sa structure. Mieux vaut se transformer progressivement, en diffusant les bonnes pratiques par capillarité. En s’appuyant sur l’exemple du cheminement d’ARI Pictures, il est possible de dégager les différentes étapes d’un processus vertueux. Lorsqu’ils ont créé leur société de production audiovisuelle de courts métrages, Arthur Choupin et Sébastien Baudier étaient tous les deux plutôt dans la sphère « geek et tech ». Ils réalisaient de nombreuses promotions d’objets connectés, la plupart du temps produits au bout du monde, dont l’intérêt pouvait être tout relatif, à l’instar de ce petit appareil qui signalait aux enfants, grâce à un changement de couleur, l’heure à laquelle ils devaient aller se coucher… Sébastien explique le début de leur réflexion : « Dans ma vie privée, j’étais engagé chez Alternatiba, mouvement citoyen pour le climat et la justice sociale, et j’étais végétarien. À un moment donné, je me suis interrogé, car je vivais une véritable contradiction cognitive entre mes valeurs et la production de la société. » Quant à Arthur, c’était un vrai technophile et un gros consumériste : « J’ai pris peu à peu conscience que l’on vivait dans un monde un peu fou dans lequel on pensait que les objets allaient nous rendre la vie meilleure. Aujourd’hui, je suis devenu minimaliste, j’ai réduit considérablement ma consommation à tous les niveaux. Il fallait bien qu’à un moment donné, notre engagement professionnel reflète nos valeurs personnelles. »
L’impact environnemental
Arthur et Sébastien ont mené une réflexion en ce sens à toutes les étapes de leurs courts-métrages. Cela commence dès l’écriture du scénario, avec des idées qui n’impliquent plus des déplacements lointains, ou des décors disproportionnés. Ensuite, pour le tournage lui-même, lorsque celui-ci a lieu en région, ce sont des spécialistes locaux qui sont embauchés. Les repas sont pris dans des restaurants locaux offrant des plats végétariens. Les éclairages sont désormais systématiquement en LED. La régie propose le plus de vrac possible pour les en-cas pris sur le plateau de tournage, etc. En post-production, la technologie 3D permettant des effets spéciaux exige des stations informatiques puissantes utilisant des ressources rares et énergivores. Lorsque celles-ci deviennent obsolètes, les pièces détachées sont revalorisées et servent à fabriquer de nouveaux ordinateurs. Les dirigeants font largement appel pour toutes ces actions aux réseaux locaux de traitement des déchets et de ressourceries.
Travailler sous contrainte rend créatifs
Le fait de se poser à chaque étape la question : comment faire mieux, ou aussi bien, avec moins, est source de nouvelles idées parfois totalement décalées qui engendrent un cercle vertueux vers la durabilité des solutions imaginées ? À force de se démarquer et d’expliquer à leurs clients leurs méthodes de travail « responsables », les dirigeants d’ARI pictures les ont sensibilisés progressivement à la nécessité de prendre en compte l’impact environnemental de leurs projets audiovisuels. Alors qu’au début de leur aventure entrepreneuriale, ils avaient tendance à accepter tout type de projet, aujourd’hui, leurs gros clients comprennent les sujets qui les touchent et, tout naturellement, leur confient de plus en plus de projets en lien avec leur propre préoccupation éthique. Arthur et Sébastien peuvent aujourd’hui s’autoriser à refuser des missions dont la demande ne correspond pas à leur manière de travailler. Quant à leurs clients, ils sont impliqués dans la démarche à tous les niveaux. Et ils sont par exemple informés lors de la signature du contrat que le stockage de leur film sera limité à deux ans, afin de réduire le stockage de données, dans le cadre d’un numérique plus responsable.
Créer un imaginaire qui donne envie
L’important, pour toutes les entreprises qui s’engagent dans cette démarche, est, à leur niveau, d’insuffler l’envie. Pour Arthur, la valeur clé est la bienveillance : inutile de critiquer et de juger, il est bien plus efficace de montrer le chemin. C’est ainsi que dans les scénarios qu’ils créent pour leurs clients, tous les membres de l’équipe essaient d’inventer des histoires qui présentent un imaginaire collectif positif en montrant un futur désirable. Pour Yveline Pouillot, « toutes les entreprises doivent impérativement apporter leur pierre à l’édifice. Nous ne pouvons que leur conseiller, à la suite de la mise en place de leur démarche, de se faire labelliser, par exemple avec le label Lucie, ce qui leur permet de mieux formaliser, de faire évaluer par un tiers externe, de structurer et de valoriser auprès de toutes leurs parties prenantes leurs actions et leurs engagements en matière de RSE. »
Une capillarité vertueuse vers les clients et les fournisseurs
ARI Production fait partie du réseau 1 % for the planet, dont les entreprises membres s’engagent à reverser 1 % de leur chiffre d’affaires (et non de leurs bénéfices) au profit d’associations environnementales agréées. Le faisant savoir, peu à peu clients et fournisseurs adhèrent également. Par capillarité, c’est toute une sphère gravitant autour de la société qui est sensibilisée et qui met en pratique des actions concrètes.