Sous-préfet à la relance, Gilbert Manciet (originaire de Saint-Pierre) est l’animateur de France Relance à la Réunion et l’interlocuteur des porteurs de projets. Il explique comment fonctionne le dispositif.
Qui décide de l’acceptation ou du rejet d’un projet et sur quels critères ?
Les entreprises déposent leur candidature sur une plateforme numérisée sur laquelle on leur demande un certain nombre de renseignements. Notamment la nature du projet, le niveau d’investissement envisagé, l’aide attendue en termes d’effet levier, et les conséquences que ce projet peut avoir à la fois sur la compétitivité et le développement de l’entreprise, la dimension de transition écologique dans l’outil de production, et la capacité du projet à créer de l’emploi et de la cohésion sociale, à amener l’entreprise à recruter de nouveaux salariés sur une échéance à identifier. Le dossier est déposé sur un site géré par la Banque publique d’investissement (BPI). Premier point : un échange se fait entre la BPI et le porteur de projet pour compléter le dossier. Ensuite, nous regardons, avec la DIECCTE, les services du conseil régional, ainsi qu’avec la BPI et la Préfecture les services du SGAR et le sous-préfet à la relance que je suis le niveau de recevabilité du dossier à partir des trous critères que je viens de vous citer et en tenant compte également de l’enveloppe financière dont nous disposons. Nous n’avons pas une enveloppe ouverte dans laquelle nous pouvons piocher sans limite.
Combien d’entreprises se sont engagées dans le dispositif à ce jour ?
Fin 2020, six premières entreprises ont été retenues auxquelles 2,8 millions d’euros ont été attribués en aide. Depuis cette date, six entreprises supplémentaires ont été retenues. Ce qui fait, depuis le lancement du dispositif sur le territoire réunionnais, 12 entreprises retenues qui ont obtenu un total de 4,7 millions d’aide sur un chiffre d’investissement total de 17 millions d’euros.
Et combien d’entreprises n’ont pas été retenues ?
Lors de la première sélection, deux entreprises n’ont pas été retenues et, lors de la deuxième sélection, trois entreprises. Nous avons donc officiellement cinq entreprises non retenues. Je dis officiellement parce qu’il y a aujourd’hui des projets sur lesquels nous n’avons pas encore statué. Nous avançons au fil de l’eau en fonction de nos capacités financières. Le dispositif est évolutif avec des abonnements au niveau national. Sur ces entreprises non retenues, certaines n’avaient pas les critères d’éligibilité. L’autre point important, à côté des piliers de la compétitivité, de la transition écologique et du recrutement, c’est la capacité de l’entreprise à lever des prêts bancaires pour compléter le financement du projet. Cela, c’est la BPI qui va le dire. Sur 10 euros, je demande 2 euros d’aide, j’apporte 2 euros de ma quote-part personnelle, et j’ai besoin d’emprunter 6 euros. Suis-je en mesure financièrement d’emprunter ces 6 euros ? Ce n’est pas toujours le cas. Enfin, il y a des projets pour lesquels notre enveloppe financière ne nous permettait pas de répondre aux attentes des porteurs de projet. Notre réponse a été alors de les réorienter vers le dispositif européen de financement d’où le lien entre la Région, l’Etat et la BPI dans ce plan pour permettre que ces projets se réalisent. Cela a été le cas de trois dossiers non retenus.
Un projet refusé peut-il répondre à l’appel d’offre une seconde fois dans une nouvelle version ?
Une entreprise peut se représenter si son dossier est remis à jour en termes d’éligibilité. Egalement si sa capacité d’autofinancement s’améliorant, elle peut à présent emprunter. Donc, oui, on peut redéposer un dossier. Je ne présume pas du résultat, mais il n’y a pas de limite de candidatures.
Qu’est-ce qui détermine le montant de l’aide allouée ?
Le pourcentage dépend à la fois de la capacité financière de l’entreprise et de l’enveloppe disponible au moment où le dossier est traité. Il est compréhensible que les porteurs de projet essaient de bénéficier du taux maximum de subvention. La très grande majorité demande une aide couvrant 80 % de l’investissement. Notre aide, si elle ne peut répondre à des demandes de cette hauteur, doit néanmoins suffire à l’entreprise pour qu’elle en retire un effet levier. Nous dialoguons avec l’entreprise pour connaitre le minima qui lui permettra d’aller au bout de son projet. A titre d’exemple sur ce qui est demandé et ce qui est accordé, je vous donne les deux chiffres comparatifs suivants : les entreprises qui ont obtenu 4,7 millions d’euros demandaient environ 7 millions.
L’appel à projet durera-t-il jusqu’au terme du plan de Relance ou une date limite est-elle fixée ?
Les fonds n’étant pas extensibles, il y a fort à parier qu’il y aura une limite. C’est pourquoi notre stratégie aujourd’hui est très simple. Dès que nous identifions des projets qui pourraient potentiellement bénéficier d’une aide au titre de Territoire d’industrie, nous demandons aux entrepreneurs de répondre à l’appel à projets. Il vaut mieux déposer le projet et attendre la réponse, même sans la certitude d’être retenu, que de louper le coche si, un jour, l’appel à projet est fermé par mesure nationale. Les porteurs de projet dont la cible est aujourd’hui d’acheter un équipement qui va leur permettre d’améliorer leur production, d’avoir une production plus écologique, et d’engager dans les six premiers mois deux personnes, dont un apprenti, qu’ils déposent leur dossier ! Ce n’est pas une action compliquée. C’est une opportunité qu’il faut saisir dans tous les cas. Car j’invite sur ce point : si un projet ne rentre pas dans une case du plan relance, nous essayons de voir s’il est peut rentrer dans une autre case.
Justement les porteurs de projet retenus soulignent tous la simplicité de la procédure et la rapidité de la réponse. France Relance rebat-elle les cartes du financement de l’innovation ? Comment faites-vous pour simplifier l’instruction et traiter les dossiers aussi vite ?
Nous donnons du pragmatisme à notre action. Notre facilité, c’est d’abord de connaître l’enveloppe financière dont nous disposons lorsque nous traitons les dossiers, ce qui n’est pas toujours le cas des dispositifs de droit commun. Nous connaissons la fenêtre de tir, où nous pouvons aller et où nous ne pouvons pas. D’autre part, le gouvernement demande que les actions soient portées au plus tôt sur le territoire, que les projets se fassent le plus vite possible. La crise sanitaire n’est pas finie. Nous voulons donner de l’oxygène et de l’énergie à la volonté d’entreprendre à travers ces projets pour que la sortie de la crise se fasse dans le minimum de morosité. Pour donner du sens à la vie, il faut des projets. Nous n’inventons donc pas quelque chose mais nous avons cette capacité à mobiliser des fonds pour répondre à l’attente des porteurs de projet. Il y a enfin une dynamique de l’information sur France Relance, largement relayée. Derrière nous essayons de répondre dans les meilleurs délais pour les porteurs de projet sachent rapidement à quoi s’en tenir.
Le secteur agro-alimentaire est le grand absent jusqu’à présent de l’appel d’offres : comment l’expliquer ?
Pour la filière agro-alimentaire, des appels à projet spécifiques sont ouverts au niveau national, mais à des activités dont le chiffre d’affaires doit être supérieur à un million d’euros. Avec ce seuil, bon nombre entreprises agro-alimentaires réunionnaises ne peuvent pas répondre à ces appels d’offre. C’est pourquoi j’ai demandé qu’il soit abaissé sur notre territoire. Je n’ai pas encore reçu de réponse du niveau national.
Quel message souhaitez-vous adresser aux porteurs de projet ?
Le plan de relance a vocation à vivre. Nous lançons toujours cet appel aux porteurs de projets de saisir sans tarder cette opportunité. Et je souligne à nouveau que les projets non retenus sont orientés vers d’autres chemins que la relance, afin qu’ils puissent néanmoins avancer. Nous avons une boîte mail dédiée sur laquelle les personnes intéressées peuvent poser des questions. Je traite personnellement cette boîte mail.
Pour en savoir plus
reunion-relance@reunion.pref.gouv.fr