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mercredi 13 novembre 2024

L’esprit d’entreprendre ne dépend pas des aides

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Dans la vie économique actuelle, et surtout depuis le fameux « quoi qu’il en coûte », pas une semaine ne se passe sans que ne soit évoquée telle ou telle aide aux entreprises, encore une nouvelle ou bien la réduction ou la suppression d’une ancienne. Et pourtant, pour les entrepreneurs, ce ne sont pas les aides qui déterminent leur stratégie, et fort heureusement. Commentaires par Pascal Ferron, associé Walter France.

Aides pour survivre à la crise de la Covid, aides à l’embauche, aides à la création d’entreprises, exonérations fiscales… le panorama des aides est tel que certains sites se sont spécialisés dans ce domaine et proposent leurs services pour que les entreprises puissent identifier les aides et subventions auxquelles elles ont droit. Mais pour Pascal Ferron il est temps de remettre les pendules à l’heure. Si l’intérêt des aides, dans certains cas, est évident, il est illusoire de penser qu’elles ont un impact déterminant sur les décisions des chefs d’entreprise. Le meilleur exemple : les aides à l’embauche. Pensez-vous réellement qu’un chef d’entreprise va embaucher un jeune, un alternant ou un senior « parce qu’il y a des aides » ? Certainement pas. C’est l’inverse qui se produit. Un entrepreneur a besoin de main-d’œuvre, il sait qu’il doit embaucher. Et seulement après avoir pris sa décision, il va généralement demander à son expert-comptable quelles seraient les aides dont il pourrait bénéficier. Pour ce qui concerne les alternants, il est vrai que, lors du quinquennat de François Hollande, tout avait été fait pour créer un maximum de contraintes plus ou moins rédhibitoires. Après la Covid, il était nécessaire de donner un sérieux coup de fouet à ces formules qui peuvent s’avérer d’excellents tremplins à l’heure où beaucoup de jeunes n’ont que de très vagues idées du monde du travail. Actuellement, le principal problème des entrepreneurs est de trouver suffisamment de ressources compétentes, plutôt que de chasser les aides à l’embauche.

Créations d’entreprises et territoires aidés ne sont pas corrélés
Selon le rapport 2022 de Bpifrance sur la création d’entreprises en France, plus d’un million d’entreprises ont été créées en 2022. Un nouveau record est franchi, avec 21 000 immatriculations supplémentaires par rapport à 2021.Les microentreprises maintiennent haut la barre, puisque six entreprises sur dix sont créées par des autoentrepreneurs. Toutefois, si la création d’entreprises augmente dans tous les secteurs en 2022, force est de constater que cette hausse a lieu que les territoires soient aidés ou non ! Et pourtant, les dispositifs sont nombreux : zones de revitalisation rurale (ZRR), zones d’aide à finalité régionale (AFR), commune « action cœur de ville » (ACV), petites villes de demain (PVD). En 2022, 428 500 entreprises ont été créées dans ces territoires, soit quatre créations sur dix. Selon Bpifrance, « ces territoires recensant près de la moitié de la population française, le nombre de créations par tête y est mécaniquement plus bas qu’ailleurs (133 créations en 2022 pour 10 000 habitants contre 185 sur les territoires « non aidés »). Le taux de renouvellement des entreprises y est aussi moins élevé avec 175 créations pour 1 000 entreprises existantes en 2020, contre 193 pour les « non aidés ».

Les aides dans un deuxième temps
Là encore, au départ, un entrepreneur développe une idée de création. Et dans un deuxième temps seulement, s’il se trouve au sein d’un territoire aidé ou à proximité, il est évident qu’il exploitera ces aides. Il serait totalement incongru qu’il n’en profite pas. Mais ce n’est pas cela qui le motive au départ, ni ce qui l’incitera fortement à déménager. C’est un plus qui ne compense que très partiellement les contraintes fortes. Il faut d’autres motivations pour s’implanter sur ces territoires. Bien entendu, on ne parle pas ici des aides incommensurables négociées de gré à gré pour l’implantation de telle giga usine de tel grand groupe étranger…

Mais les aides peuvent être vitales
Bien évidemment, il n’est pas question ici de nier l’intérêt des aides dans certains cas. Lors de la récente crise de la Covid-19, les aides accordées aux entreprises leur ont permis, pour nombre d’entre elles, de réussir à survivre à cette période. Elles ont permis de sauver deux millions d’entreprises, principalement des PME, et de sauver 700 000 emplois, pour un coût finalement pas si élevé au regard par exemple du niveau des aides carburant et gaz-électricité, qui ne sont que des trous sans fonds destinés à corriger des erreurs stratégiques antérieures. Il apparaît également particulièrement justifié que les agriculteurs, dont l’activité est vitale pour notre alimentation — et qui subissent non seulement un niveau de réglementation inégalé tout en subissant une pression permanente et angoissante des marchés, mais aussi les aléas propres au climat et à ses variations erratiques, rien ne leur étant directement imputable —, puissent être subventionnés et accompagnés dans leurs évolutions. De même, aider les entreprises en difficulté à passer un cap difficile pour sauvegarder le savoir-faire français et l’emploi coule de source, encore faut-il une nouvelle fois ne pas se tromper de stratégie.

Les jeunes ont envie d’entreprendre avec ou sans aides
En mars 2023, l’institut Opinionway a réalisé, pour le compte du Salon Go-Entrepreneurs, une étude sur la création d’entreprise. Il ressort de cette étude que 24 % de l’ensemble des Français ont envie de créer ou de reprendre une entreprise, ou de se mettre à leur compte : un quart de la population ! Et ce qui est encore plus encourageant réside dans le fait que, pour les jeunes de 18 à 30 ans, ce pourcentage grimpe à… 49 % ! Et bien évidemment les aides et subventions ne sont jamais citées dans leurs motivations… C’est un coup de pouce souvent très modeste au regard des besoins de financement.

Desserrer les carcans administratifs devrait être la première des priorités
Les chefs d’entreprise seraient bien plus intéressés par une diminution et une meilleure cohérence face à l’empilement des contraintes réglementaires, des obligations déclaratives et des normes diverses et variées, qui, outre leur nombre phénoménal, ne cesse de bouger et de s’entrecroiser. Une simple (longue) pause serait déjà un véritable bol d’air frais. Pour Pascal Ferron : « Si l’intérêt de certaines aides ne peut être nié, en revanche l’esprit d’entreprendre doit être sans cesse encouragé par une liberté retrouvée des entrepreneurs qui apprécieraient l’allègement des nombreuses contraintes auxquelles ils sont soumis pour pouvoir se consacrer au développement de leur activité, ce qui est déjà en soi une lourde tâche. »

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