Le comité de suivi des relations commerciales, qui réunit les représentants des producteurs agricoles, des industries transformatrices et des distributeurs, a tenu une réunion le 18 décembre. Enjeu : la répartition de la valeur entre fournisseurs et distributeurs dans le contexte de la sortie de crise.
Alors que le cycle annuel des négociations commerciales pour 2021 (du 1er décembre 2020 au 1er mars 2021) est en cours, le constat est unanime de discussions qui restent difficiles. A la Réunion, où les négociations entre fournisseurs et distributeurs doivent se terminer fin février, la pression est tout aussi forte pour aboutir à des accords satisfaisants pour toutes les parties. En métropole, la chaîne alimentaire a tenu pendant cette crise mais elle est fragilisée par le manque de débouchés, les coûts engendrés et la hausse des matières premières. Dans ce contexte singulier, le gouvernement, par la voix de Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, et d’Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l’Industrie, en appelle « à la responsabilité et à l’engagement des distributeurs dans les négociations commerciales qui ont démarré au plan national sur des bases dégradées ». Le gouvernement demande que l’esprit des Etats Généraux de l’alimentation soit respecté « pour une plus juste répartition de la valeur : l’agriculture ne doit pas être la variable d’ajustement ». Le secteur agricole et agro-alimentaire national subit la crise actuelle marquée notamment par la réduction très forte de certains débouchés (restauration, évènementiel, export, etc.). Cette situation intervient par ailleurs dans un contexte marqué, dans un grand nombre de secteurs, par la hausse du coût des matières premières.
Esprit de responsabilité
Les ministres font appel à la responsabilité des distributeurs pour une meilleure prise en compte des coûts de production par inversion de la proposition contractuelle et l’utilisation des indicateurs dans les contrats. « Il serait incompréhensible que la hausse des coûts de production ne soit pas dûment prise en compte dans la négociation. Il est attendu que les distributeurs s’engagent à faire preuve d’un esprit de responsabilité particulière dans les négociations, tout spécialement pour les produits bruts et les produits de première transformation. » « Tous les moyens seront employés pour que la loi soit respectée » affirment-ils. C’est ainsi qu’à leur demande la DGCCRF reste fortement mobilisée, en renforçant les contrôles, pour faire appliquer la loi de l’alimentation dite Egalim, votée il y a trois ans, visant à garantir un rééquilibrage effectif des relations commerciales et une meilleure répartition de la valeur entre partenaires. Durant les négociations commerciales de 2020, les services de contrôles de la DGCCRF ont auditionné plusieurs centaines de fournisseurs afin de suivre « en temps réel » le déroulement de ces négociations et l’intégration des éléments de la loi, notamment l’utilisation des indicateurs de coûts. Des contrôles de la DGCCRF ont également porté sur l’encadrement des promotions en valeur. Des procédures de sanction administrative sont lancées, y compris s’agissant d’avantages promotionnels sur carte de fidélité contournant la législation sur les promotions.
Contrôles et sanctions
L’année 2020 a aussi été marquée par les quatre amendes administratives (pour un total d’environ 10,6 millions d’euros), notifiées par la DGCCRF à différentes enseignes de la grande distribution pour non-respect de la date du 1er mars pour la signature des conventions de 2019 avec leurs fournisseurs. Cette action a été fortement dissuasive puisque pour 2020 les conventions non signées à la date du 1er mars ont été très marginales. Des poursuites pour pratiques commerciales restrictives de concurrence sont également en cours devant le tribunal de commerce de Paris. Les pénalités logistiques font également l’objet d’investigations pour identifier les abus et le cas échéant, les corriger, si nécessaire en utilisant le nouveau pouvoir d’injonction sous astreinte conféré aux agents de la DGCCRF par la loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 dite DDADUE. Enfin, les pratiques des centrales internationales font l’objet d’une vigilance soutenue et le cas échéant des actions appropriées. En 2021, la vigilance de la DGCCRF sur ces différents points restera soutenue. Par ailleurs, les ministres ont rappelé que la loi d’accélération et simplification de l’Action Publique (ASAP) du 8 décembre 2020 a permis de prolonger l’expérimentation sur le relèvement du seuil de revente à perte et l’encadrement des promotions et a pris en considération les demandes des acteurs économiques en ce qui concerne l’encadrement des promotions en valeur (art. 125 de la loi).
Des pistes pour l’avenir
Les premières conclusions présentées par Serge Papin, à qui une mission a été confiée relative à l’application de la loi Egalim, tracent des pistes pour l’avenir. Un outil permettant d’apporter de la transparence a été proposé. Cet outil pourrait être dans un premier temps testé pour certaines filières : il pourrait autant servir d’appui au médiateur dans ses négociations commerciales agricoles qu’aux différents maillons de la filière pour objectiver la valeur ramenée dans la cours de la ferme. Serge Papin a également plaidé pour des négociations pluriannuelles, d’ores et déjà permises par la loi. Un groupe de travail sera mis en place afin d’approfondir ce sujet, susceptible de pacifier les négociations et de mettre en place des partenariats vertueux de moyen terme le long de la chaîne alimentaire. Les ministres ont enfin salué les travaux qui viennent de s’achever de la commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC) faisant des recommandations sur les bonnes pratiques pour les produits à marque de distributeurs. Ils souhaitent que les travaux engagés sous l’égide du conseil national de la consommation sur l’étiquetage de l’origine des denrées alimentaires transformées et de leurs ingrédients se poursuivent.