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samedi 21 décembre 2024

Les enjeux de l’immobilier d’entreprise

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Numéro un dans la commercialisation d’immobilier d’entreprise à La Réunion, la société de conseil et de services immobiliers Inovista s’est fait connaître en dehors de son périmètre professionnel en rendant publique, à partir de 2014, une synthèse annuelle éclairante sur le marché de l’immobilier d’entreprise et son impact sur l’économie, voire sur la vie courante. Ces synthèses font figure de référence aujourd’hui pour nombre de décideurs et d’aménageurs. Il nous a semblé intéressant, à l’approche de la fin de l’année 2024, d’interroger Vincent Le Baliner, cofondateur d’Inovista, sur son activité, mais aussi sur les enseignements révélés ces dernières années par les synthèses. Que nous dit le marché réunionnais de l’immobilier d’entreprise sur la situation économique, sur les attentes des entreprises, sur l’évolution du commerce, sur la formation des prix, sur la transition écologique, sur l’aménagement du territoire ? Le souci pédagogique de ces données annuelles témoigne d’une volonté de l’entreprise de faire concorder l’intérêt de ses clients avec l’intérêt général, d’agir pour le territoire. On ne s’étonne pas, dans ces conditions, qu’Inovista incarne un certain style de management, une manière de concevoir le travail en équipe. Des chiffres, des faits, des commentaires, une vision globale et beaucoup de bon sens rendent cet échange avec Vincent Le Baliner particulièrement instructif.

Le Village, à Saint-Clotilde : une opération d’Inovista, qui en a assuré la conception, la programmation, la commercialisation et la gestion locative.

fête ses 14 ans. De quel constat est née l’entreprise ?

Vincent Le Baliner : Il faut se remettre dans le contexte d’il y a quatorze ans. La crise de 2008 marquait la fin des « Trente Glorieuses réunionnaises » et de ses taux de croissance de 5 % à 6 % l’an. Avec cette crise, énormément d’acteurs ont disparu, mais de nouveaux acteurs sont apparus. Je suis arrivé professionnellement à La Réunion en 2009. À l’époque, sur l’île, la propriété immobilière était essentiellement liée aux besoins d’exploitation : une entreprise était propriétaire parce qu’il lui fallait des locaux pour travailler. Si ce besoin disparaissait, elle louait ou revendait et ne se posait peu ou pas la question de la création de valeur immobilière. Ailleurs, partout dans les économies développées, la propriété immobilière est détenue par des acteurs dont c’est le métier : investisseurs institutionnels, fonds de pension, assurances, etc. Côté exploitation, quand vous cherchez 200 m2 de bureaux ou de commerce, vous appelez un conseil en immobilier, qui vous présente ce qu’il y a de disponible. Pas à La Réunion dans ces années 2009-2010 : il fallait acheter Le Quotidien le jeudi pour les petites annonces immobilières, regarder sur Clicanoo, contacter les bailleurs sociaux, etc. ! La crise a fait prendre conscience à La Réunion de l’intérêt que l’immobilier d’entreprise devienne aussi créateur de valeur. Inovista est née de ce constat et du besoin d’accompagner les acteurs dans la transition vers une offre et une demande structurée d’immobilier professionnel.

Comment Inovista a-t-elle évolué pour devenir la référence réunionnaise de l’immobilier d’entreprise ?

Pour décrire cette évolution, je dirais que nous avons travaillé autour de cinq valeurs. La première, c’est l’exigence vis-à-vis de nous-mêmes. La deuxième, le perfectionnisme : nous allons au bout des choses. La troisième, la transparence : dire ce que l’on fait et faire ce que l’on dit. La quatrième, la proximité : être le plus proche des actifs immobiliers. La cinquième, c’est l’indépendance. L’indépendance permet de gérer chaque dossier sans conflit d’intérêt. Cette approche de notre métier vient de la culture professionnelle anglo-saxonne, que mon associée, Nathalie Khau, et moi partageons. Nous sommes nés professionnellement avec ces valeurs. C’est ce qui nous a permis, je pense, de grandir sereinement.

Grandir, c’est une chose, mais devenir une entreprise de référence ?

Le deuxième axe qui fait ce que nous sommes aujourd’hui, c’est que nous avons toujours pensé le développement de nos métiers, de nos services, de nos outils, pour nos clients bien sûr, mais en lien avec le territoire et ses besoins. Se dire que nous contribuons à quelque chose de plus grand que nous donne du sens à notre travail. Autre facteur de succès : la formation de nos équipes. Leurs connaissances sont constamment actualisées. Enfin, il y a nos engagements sociétaux. L’égalité femmes-hommes : pas de différence, entre autres, de salaire chez nous. Et bien sûr « le retour péi » : je ne compte plus les collaborateurs et collaboratrices d’origine créole réunionnaise partis en métropole ou ailleurs que nous avons embauchés à leur retour à La Réunion. Je considère qu’ils représentent une chance. Le 1er janvier prochain, nous seront 23 dans l’équipe. Chez nous, tout le monde est salarié. Nous n’employons pas de commerciaux indépendants.

Le food court du Village, exemple d’approche de l’immobilier commercial en tant que lieu de vie prenant en compte les besoins de ses utilisateurs, consommateurs comme personnels.

Que recouvre la notion de services et de conseil en immobilier d’entreprise ?

Notre métier historique, c’est la commercialisation. Nous valorisons les actifs et sécurisons les transactions de propriétaires d’immeubles, de promoteurs immobiliers. Dans ce métier, nous représentons, selon les années, de 40 % à 50 % de part de marché. En quatorze ans, nous avons réalisé 750 transactions, nous avons loué ou vendu près de 320 000 m2, soit 10 % du parc immobilier professionnel de La Réunion. Notre fierté, c’est qu’aucun de nos clients ne s’est senti lésé, jamais. Nous sommes reconnus pour notre très grande intégrité dans les affaires que nous suivons. Notre deuxième métier, arrivé un peu plus tard, c’est la gestion locative. Elle recouvre la protection du bailleur contre ses cinq grands risques : juridique, technique, financier, commercial et environnemental. Le but est aussi d’améliorer les revenus nets de l’immeuble et la valeur des actifs. Enfin, nous apportons du service aux locataires utilisateurs et nous accompagnons la transition écologique des immeubles. Nous gérons actuellement 150 immeubles où logent 400 sociétés locataires d’à peu près tous les domaines : commerce de détail, commerce de gros, industrie, transformation, représentation consulaire, activité tertiaire. Notre croissance sur ce métier est très importante.

Inovista rend publique, chaque année, une synthèse du marché de l’immobiler professionnel à La Réunion et à Mayotte. Pourquoi avoir pris cette initiative ?

Cela découle de notre troisième métier : le conseil et la recherche. Grâce à nos outils d’analyse, nous avons acquis une connaissance très fine, à la fois structurelle et conjoncturelle, du parc immobilier et des dynamiques des territoires de La Réunion et de Mayotte.

La demande d’immobilier d’entreprise a baissé de 40 % en 2024

Cette capacité d’analyse nous permet de faire des recommandations à des propriétaires d’actifs immobilier ou foncier. Nous pouvons aussi réaliser des études de marché et de programmation relatives à un terrain ou à un quartier pour le compte d’acteurs privés ou publics. Pour les acteurs publics de La Réunion, de Mayotte, des Antilles et de la Guyane, nous sommes depuis peu sous-traitant du marché « conseil en immobilier » de l’Union des groupements d’achats public (UGAP), la centrale d’achat des collectivités. Une possibilité nouvelle de faire avancer, mieux et plus vite, les différents projets. Notre première synthèse rendue publique date de 2014. À l’époque, il n’existait aucune donnée sur l’immobilier d’entreprise à La Réunion. Cette première étude a porté sur les données structurelles du parc : nombre de mètres carrés localisation, types d’actifs, dynamiques de construction. Cette base de données structurelles nous a permis de réaliser par la suite des analyses conjoncturelles. Connaissant le structurel et le conjoncturel, nous avons pu produire des indicateurs, comme le taux de vacance et les délais d’absorption ; indicateurs qui existaient dans les autres régions de France, mais pas à La Réunion. Des comparaisons sont devenues possibles. Rendre nos études annuelles publiques, c’est concrétiser l’engagement pour le territoire dont je parlais. Contribuer à ce que les décisions soient fondées sur des données faisant autorité et non plus, si je puis dire, en fonction du sens du vent… Nous communiquons très largement sur ce travail pour qu’il serve à tous. Nous le faisons également à Mayotte depuis trois ans.

La synthèse 2023 montrait un fort recul du nombre de projets et des surfaces construites à La Réunion. L’immobilier d’entreprise est-il toujours en crise ?

Faut-il parler de crise ? Le constat est le suivant : baisse des mises en chantier, baisse des demandes, mais maintien de l’activité transactionnelle. Les mises en chantier dépendent de trois choses. Premièrement : le coût de construction, et il a littéralement explosé à cause de la hausse mondiale des prix des matériaux et du transport, auxquels s’ajoute l’octroi de mer à La Réunion. Deuxièmement : la capacité d’emprunt des acquéreurs, et la hausse des taux d’intérêt l’année dernière a diminué la capacité d’emprunt des entreprises de 30 % à 40 %. Troisièmement : la demande réunionnaise. Elle est aujourd’hui principalement locative, à 70 %. Or le métier d’un promoteur, c’est de vendre les immeubles qu’il construit. Ces trois facteurs conjugués font que la rencontre de l’offre et de la demande d’immobilier d’entreprise est difficile. Bien que le volume de transaction demeure important, la demande est globalement en baisse de 40 % en 2024. C’est un effet conjoncturel lié au climat des affaires actuel : les entreprises repoussent leurs projets d’agrandissement. Pour autant, nous avons totalisé ces derniers mois, chez Inovista, 250 projets de recherche de locaux d’entreprise. Le stock de demande s’élève chez nous à peu près à 370 000 m2. La crise du BTP pèse aussi sur le marché de l’immobilier d’entreprise. Le lancement l’année prochaine de plusieurs grands projets d’aménagement économique devrait améliorer les choses.

Cette situation est-elle partagée par tous les types d’immobilier d’entreprise ou existe-t-il des degrés dans ce recul ?

La demande reste très soutenue pour la logistique et les locaux de production. Elle reste soutenue pour les bureaux de qualité, ayant un bon niveau de services. C’est sur le commerce que la demande enregistre une forte baisse. En 2023, il a été mis sur le marché 100 000 m2 de commerce, alors que la demande exprimée représentait 70 000 m2. C’est la première fois, depuis 2015 que nous suivons ces indicateurs, qu’il y a une inversion du rapport entre l’offre et la demande en commerce.

En ce qui concerne le commerce, une synthèse d’Inovista semblait signifier que la surface commerciale globale était trop importante par rapport au nombre d’habitants pour assurer la viabilité de toutes les entreprises commerciales.

Nous allons mettre à jour prochainement notre étude structurelle sur le parc immobilier. Je vous donne en exclusivité nos premières estimations. Nous pensons que le parc de commerce représente aujourd’hui 1,8 million de mètres carrés. Soit 2 m2 par habitant. En métropole, la moyenne se situe autour de 1 m2 par habitant. On a donc localement deux fois plus de mètres carrés de commerce que dans l’Hexagone. Quatre phénomènes expliquent ce développement : l’insularité, avec l’obligation de consommer sur place, l’envie de consommer, enfin le découpage du territoire. L’échelle des distances est particulière. Dans quelle autre région de France avez-vous deux hypermarchés sous la même enseigne à trois kilomètres à vol d’oiseau : nulle part. Mais ici vous avez une frontière naturelle qui s’appelle la rivière des Galets. Du fait de ce découpage un grand nombre de commerces ont ouvert un peu partout. Enfin, il faut citer la volonté politique. Revenons aux années 1980, aux opérations RHI : les politiques de l’époque s’interrogeaient sur les moyens de créer de l’emploi pour les gens qui allaient habiter dans les logements sociaux. On a, dans cette optique, créé en pied d’immeubles de nombreuses surfaces commerciales.

Le Club immobilier, qui réunit les professions de l’immobilier et de la construction, a l’ambition de bâtir une filière complète de formation en alternance à ses métiers.

Vous le voyez comme une cause des difficultés actuelles du commerce local ?

Ce qui est certain, c’est que la multiplication des surfaces n’entraîne pas la multiplication du chiffre d’affaires, contrairement à ce que certains ont voulu faire croire. Le chiffre d’affaires se déplace, il ne se multiplie pas. Créer des mastodondes commerciaux à l’entrée des villes ne dynamise pas le commerce de centre-ville. Pour le reste, il y a d’autres raisons aux difficultés du commerce. La concurrence du commerce en ligne : considérez que, il y a deux ans, La Poste recevait à La Réunion environ quatre millions de plis et 700 000 colis par an. Le renouvellement des propositions commerciales est aussi en cause. Il y a aussi le manque d’animation et de densification des centres-villes. Les centres-villes de La Réunion sont finalement demeurés assez peu denses. Une autre raison, c’est bien entendu les attentes des consommateurs qui ont évolué.

L’inflation des prix est l’un des grands sujets du moment. Existe-t-il un lien avec les coûts de l’immobilier ?

Chaque marchandise vendue intègre trois coûts d’immobilier. Celui de l’entrepôt où elle est stockée, celui du local où se fait la transformation et celui du commerce où elle est vendue. Or nous avons à La Réunion les valeurs locatives d’immobilier d’entreprise parmi les plus élevées d’Europe ! Le mètre carré d’entrepôt à La Réunion est supérieur à celui des entrepôts de l’aéroport de Londres Heathrow ! La valeur locative se situe entre 11 et 15 € le mètre carré à La Réunion. À Marseille, c’est 7 à 9 €. Il y a moins de mètres carrés d’entrepôts à La Réunion qu’à Besançon, ville de moins de 200 000 habitants qui se trouve loin des terminaux portuaires. Pour les locaux de production, les valeurs locatives réunionnaises sont deux à trois fois supérieures à celles de la métropole. À La Réunion, la charge immobilière, taxes foncières et autres inclues, représente entre 3,5 % et 12 % du chiffre d’affaires d’une entreprise. Je m’étonne que, parmi les organismes qui se sont penchés jusque-là sur les causes de la vie chère, aucun ne se soit posé cette question. Pour moi, le coût de l’immobilier est une composante du prix au consommateur.

La Réunion manque-t-elle de zones d’activité ?

Il existe dans les PLU de La Réunion 500 ha de foncier à vocation économique non utilisés. Quel est l’enjeu des ZA ? C’est l’emploi. Quand une entreprise cherche de l’immobilier, c’est pour croître, donc pour embaucher. En 2022, notre étude a converti les besoins des entreprises en nombre d’emplois. Les besoins représentaient 10 000 emplois en attente. La Réunion compte 130 000 demandeurs d’emploi. Sur la création de zones d’activités on constate que, dans la microrégion Sud, CIVIS et CASUD ont énormément bossé, avec l’ouverture des zones d’activité de Pierrefonds, ZI 4, ZA des Palmiers, ZAC Les Terrass. Les territoires de la CASUD et de la CIVIS rassemblent 50 % des permis de construire. Sur la microrégion Est, les nouveaux maires de Saint-André, de Bras-Panon et de Saint-Benoît travaillent à libérer du foncier pour développer l’activité économique. Ce sont des territoires où, demain, on va pouvoir construire et rapprocher les lieux de vie des lieux de travail.

Le bouchon matinal quotidien à l’entrée est de Saint-Denis, conséquence du déséquilibre entre production de logements
et production d’immobilier d’entreprise entre l’Est et le Nord.

Quelle est l’influence des attentes des consommateurs et des modes de consommation sur l’urbanisme commercial ?

L’urbanisme commercial a connu un véritable coup de frein avec la loi Climat et Résilience. Presque tous les projets de développement commercial ont été stoppés. La loi limite très fortement les CDAC. On constate aussi la vacance importante des commerces en pied d’immeuble dans les quartiers de logements sociaux. Un chiffre, rue Maréchal-Leclerc à Saint-Denis : entre le Butor et l’espace Océan, le taux de vacance commerciale se situe entre 40 % et 50 %. Certains centres-villes connaissent des taux de 30 % à 40 % de vacance. Cela signifie que ces locaux commerciaux devront être reconvertis pour y recevoir d’autres activités ou usages. Si le tissu commercial se fragilise, le tissu artisanal se renforce. Combien de sociétés artisanales de deux ou trois personnes n’arrivent pas à loger leur activité parce que rien n’existe pour elles ? Les anciennes cellules commerciales n’attireront plus jamais de commerçants. Pourquoi ne pas les affecter à l’accueil de petites PME de production ? Cela pose des questions de normes, de bruit, de gestion des déchets, etc., mais c’est un des enjeux de demain. Plus largement, nous entrons dans la culture du divertissement. Il y a une attente. Un travail de reconversion de sites sera à mener à ce niveau. C’est évident.

Les liquidations judiciaires, en hausse actuellement, libèrent des surfaces. Ont-elles une incidence sur le marché de l’immobilier ?

Si l’établissement n’est pas employeur, ça n’a aucun impact sur le marché de l’immobilier d’entreprise, car il n’y a pas de libération de surface. Pour les établissements employeurs, oui, cela a un véritable impact. D’autant que, dans le commerce, une liquidation a un effet de contagion quasi immédiat sur les autres commerces. Un site perd tout de suite en attractivité. Mais une liquidation redistribue aussi les cartes. Au-delà d’une surface, elle libère un marché et permet à un autre acteur de se développer. Les liquidations judiciaires ont, pour nous, une autre conséquence : il faut savoir qu’une liquidation judiciaire ne met plus fin automatiquement au bail commercial. C’est une raison supplémentaire, pour des propriétaires, de nous confier la gestion de leurs immeubles afin de minimiser leurs risques.

Depuis 2022, les propriétaires de bâtiments tertiaires sont censés communiquer, chaque année avant le 30 septembre, leurs consommations d’énergie de l’année précédente sur la plateforme Operat de l’Ademe. Le décret tertiaire prévoit d’ici à 2030 une réduction de 40 % de la consommation d’énergie des locaux d’entreprises situés dans des bâtiments de plus 1 000 m2. Avez-vous une vue d’ensemble de ce qui a déjà été fait dans ce domaine ?

Notre service de conseil et de recherche a estimé le nombre d’immeubles concernés : 1 380, et 5 000 entreprises dans ces immeubles. C’est dire si ça concerne beaucoup de monde. Sur ces 1 380 immeubles, Inovista en gère 50. L’objectif de réduction de la consommation est de 40 % en 2030, de 50 % en 2040 et de 60 % en 2050 ; 40 % en 2030, c’est-à-dire presque dans cinq ans. Il serait intéressant que l’Ademe publie des données sur le nombre d’entreprises figurant sur la plateforme Operat. Aujourd’hui, nous n’avons pas de vision. L’autre problème, c’est le décret « méthode » qui doit fixer des valeurs théoriques de consommation de référence de La Réunion. On demande de baisser la consommation d’énergie de 40 %, d’accord, mais par rapport à quelle référence ? Le législateur a toujours su que la déclaration sur Operat pour fixer des seuils de référence pouvait poser problème. C’est pourquoi il a été décidé de fixer des valeurs par type d’actif et par département, sur lesquelles les entreprises pourront se baser. Ces valeurs sont connues dans l’Hexagone, mais pas encore à La Réunion. En attendant, chez Inovista, nous nous référons aux valeurs de Marseille et des Bouches-du-Rhône. Concernant le décret tertiaire, je ne pense pas que l’amende prévue de 7 500 € sera un moteur pour les entreprises. Le dispositif de name and shame, c’est-à-dire la publication des noms des mauvais élèves, prévu dans la loi est beaucoup plus contraignante. Mais le véritable enjeu sera la dévalorisation des actifs qui n’auront pas mis en place des mesures de réduction de leur consommation d’énergie.Une autre question reste en suspens, c’est qui doit payer quoi. L’obligation est faite aux propriétaires de l’immeuble, mais la baisse de laconsommation d’énergie va bénéficier aux locataires. Les textes ont des trous dans la raquette : ils ne disent rien à ce sujet. Il n’en reste pas moins que la consommation énergétique des bâtiments est en train de devenir un enjeu de négociation locative.

Inovista a été à l’initiative d’une table ronde remarquée sur l’enjeu d’aménagement du territoire que représente l’immobilier d’entreprise pour rapprocher lieu de travail et domicile. A-t-elle suscité des réactions ?

Une ville a trois fonctions immobilières : se loger, travailler et produire, consommer et se divertir. Une ville équilibrée est un espace où, lorsqu’on produit un mètre carré pour se loger, on produit un mètre carré d’immobilier pour le reste. Marseille : un mètre carré de logement, un mètre carré d’immobilier d’entreprise. Lille, pareil. Bordeaux : 100 m2 de logement, 65 m2 d’immobilier d’entreprise. À La Réunion, ces dix dernières années, pour 100 m2 de logement, on a produit en moyenne 27 m2 pour travailler, consommer et se divertir. La micro-région où l’on a construit le plus de logements est celle où proportionnellement on a produit le moins d’immobilier d’entreprise, l’Est : 10 m2 d’immobilier d’entreprise pour 100 m2 de logement. La microrégion Nord, elle, construit 36 m2 d’immobilier pour 100 m2 de logement. Tout cela provoque des mouvements de balancier entre micro-régions. Ces choix datent de dix à quinze ans. Et le temps politique n’est pas celui de l’aménagement. Il y a dix ans, le bouchon matinal quotidien à l’entrée est de Saint-Denis n’existait pas… Je suis prêt à parier que vous aurez demain le même bouchon entre l’Ouest et le Sud, parce qu’un mètre carré sur deux d’immobilier d’entreprise sera concentré dans la zone de Saint-Pierre–Le Tampon dans les prochaines années. Cette question est insupportable, et ses conséquences sont considérables. Prenez le cas d’un couple qui doit faire deux à trois heures de route chaque jour entre travail et domicile. L’organisation de la vie de famille, le suivi du devoir des enfants, la disponibilité des parents pour leurs enfants, en est bouleversé. Avec de tels déséquilibres, nous sommes en train de créer les inégalités de demain. Celui qui grandit avec des parents disponibles, non stressés, aura plus de chance dans la vie.

Vous êtes aussi président du Club immobilier à l’origine de la création cette année d’un BTS des professions immobilières en alternance en partenariat avec l’institut de formation de La Réunion. Les sociétés et agences immobilières manquent de personnel ?

Monter une opération immobilière mobilise entre 40 et 50 opérateurs : architecte, financeur, avocat, notaire, constructeur, investisseur, bureau d’études et de contrôles, etc. Des opérateurs qui, la plupart du temps, travaillent chacun dans leurs couloirs. C’est le constat à l’origine du Club immobilier. Et assez vite, nous nous sommes demandé comment transmettre les meilleures pratiques de nos métiers ? La filière de l’immobilier-BTP, qui représente environ 20 points du PIB réunionnais, manque de compétences. Nous avons choisi d’agir en mettant en place ce BTS en alternance pour préparer des jeunes à nos métiers. C’est le premier étage de la fusée. Nous travaillons à la création d’une ou deux licences. Suivront un master et, éventuellement, un deuxième BTS. Nous allons ainsi construire un parcours complet de formation aux métiers de l’immobilier et de la ville.

Inovista est sans doute la première entreprise à préconiser de travailler en musique. Dix playlists sont disponibles sur Spotify…

La musique fait partie depuis longtemps de l’animation urbaine. Nous nous sommes dit, à Inovista, qu’il serait amusant de proposer des playlists liées au monde du travail : se déplacer, fêter un événement, travailler en musique, etc. J’ai trouvé l’idée assez bonne. À la demande de mon équipe, j’ai fait ma propre playlist pour partager un peu de ce qui m’anime. Ces playlists sont publiques.

Vous aimez travaillez en musique ?

Oui, beaucoup, soit au bureau, soit en déplacement. J’écoute la radio sur Internet. À Saint-Denis, j’apprécie la station 100 % Jazz. La musique me détend entre mes rendez-vous. Elle me procure des instants d’évasion, de respiration, de petites bulles d’air.

Vincent Le Baliner, l’intelligence immobilère

Savoir faire parler des chiffres pour leur donner du sens, avoir la volonté de se faire comprendre du plus grand nombre : ce n’est pas donné à tout le monde. C’est un des talents de Vincent Le Baliner. « J’ai la passion de ce que je fais », déclare le cofondateur d’Inovista, dont le parcours professionnel est entièrement voué aux métiers de l’immobilier. Ses jalons ? Un BTS des professions immobilières, puis l’École supérieure des professions immobilières, un troisième cycle en immobilier d’entreprise à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne. Sa première expérience professionnelle le conduit en stage, puis comme salarié, au siège parisien de DTZ (devenu Cusman & Wakefield), l’un des premiers groupes mondiaux de conseil et de services en immobilier d’entreprise. Arrive la crise des subprimes, qui remet tout en question et, après près de cinq ans, Vincent Le Baliner regarde d’autres horizons professionnels, en particulier La Réunion, à laquelle l’attachent des liens familiaux et où il revient régulièrement. En 2009, il entre chez CBo Territoria. Mais le moment est venu, pour le marché immobilier réunionnais, de se structurer et de se professionnaliser. Une autre perspective s’impose alors, qui aboutit à la création d’Inovista en 2010.

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