Forme de société coopérative, la coopérative d’activité et d’emploi (CAE) mutualise les services administratifs et l’accompagnement d’entrepreneurs individuels qui sont ses salariés. Elle offre un modèle original et efficace d’insertion ou de reconversion professionnelle à de nombreuses personnes, des femmes voulant reprendre une activité en particulier. Ainsi la CAE réunionnaise Possible, née à Saint-Pierre, rassemble aujourd’hui près de trois cents adhérentes et adhérents. Répondant à des demandes de plus en plus nombreuses, elle commence à rayonner sur toute l’île.
CAE multiactivités, Possible n’est pas spécialisée dans un secteur d’activité particulier. Elle couvre un large éventail de métiers (commerces divers, prestations d’hygiène, beauté, bien-être, de formation, de maintenance numérique, artisans du BTP, etc.), à l’exception des activités réglementées, de l’agriculture et de l’immobilier. À ses entrepreneurs salariés, Possible assure l’hébergement comptable, juridique et administratif : tout le back-office. D’autre part, son réseau d’experts les conseille et les accompagne dans la mise en œuvre de leur projet professionnel. Le grand avantage de cette formule, c’est aussi qu’elle s’adresse aux demandeurs d’emploi, qui continuent à percevoir leurs allocations chômage, aux bénéficiaires d’aides sociales, qui continuent de bénéficier de ces aides, aux salariés en CDD ou CDI, dans le respect de leur contrat, ainsi qu’aux chefs d’entreprises souhaitant changer d’environnement juridique et aux personnes en reconversion professionnelle. Rejoindre une CAE évite de se jeter dans l’inconnu. « Il est rassurant de pouvoir se lancer dans un projet en conservant un filet de sécurité en cas d’échec et de se sentir accompagné. Notre entreprise a un statut spécial : elle possède un numéro de SIRET pour plusieurs entrepreneurs. Elle mutualise des services et des compétences qui permettent à l’entrepreneur de se concentrer sur son activité », explique Alice Grondin, directrice générale de Possible. L’entrepreneur salarié bénéficie des avantages du salariat : feuille de paie et droits sociaux associés. Les prestations sont facturées par Possible, qui se charge de récupérer l’argent auprès des clients. La CAE prélève 13 % des marges brutes pour son fonctionnement. À cette contribution collective s’ajoute une subvention du Fonds européen de développement régional (FEDER).
Un parcours en plusieurs étapes
L’accompagnement prend la forme d’un suivi, d’échanges d’expérience et de formations là où manquent des connaissances. « L’entrepreneur salarié bénéficie d’un encadrement et d’un accompagnement pour l’aider à réussir son projet. Plusieurs référents le suivent. Il évolue avec l’équipe en place et avec les autres entrepreneurs. Des ateliers collectifs et des rencontres stimulent la coopération pour échanger des expériences, voire encourager le travail en commun. » Cette approche originale de l’entrepreneuriat appartient à l’économie sociale et solidaire. Les coopératives d’activité et d’emploi existent depuis une dizaine d’années (elles ont été créées par une loi de 2014). Elles sont venues compléter le dispositif plus ancien des « couveuses d’entreprises » qui mettent en œuvre le contrat d’appui au projet d’entreprise (CAPE). Née en 2015, Possible était à l’origine une couveuse d’entreprises. Elle a évolué en CAE en 2019. D’une durée de 36 mois, le CAPE permet à une personne touchant des minimas sociaux d’en conserver le bénéfice tout en testant son projet. Pendant le CAPE, la personne n’est pas encore salariée. Elle se paie sur ses prestations, mais ses frais sont remboursés, un coup de pouce pour l’aider à constituer une réserve de trésorerie. De plus, elle est accompagnée dans sa gestion. Généralement, il faut de douze à dix-huit mois pour tester la viabilité d’une activité. « L’objectif du CAPE est de donner le temps à l’activité de devenir rentable. Si la personne le souhaite, elle peut passer à l’étape suivante et devenir entrepreneur salariée de la CAE », commente Alice Grondin. Enfin, troisième étape, après trois ans, l’entrepreneur salarié a l’obligation de devenir sociétaire de la CAE, sinon il doit poursuivre son activité en dehors de la coopérative sous un statut libéral.
Un rayonnement croissant
Fin 2023, Possible salariait 299 entrepreneurs et surtout entrepreneuses. On y rencontre en effet une forte proportion de femmes, parmi lesquelles des mères au foyer cherchant par ce moyen à renouer avec une activité professionnelle pour assurer leur indépendance. Il existe à La Réunion deux autres CAE généralistes, Coop Union et Smile, et une CAE spécialisée dans le BTP, BAT’EXP. Née dans le Sud, Possible y concentre la majorité de ses entrepreneurs salariés, mais elle se développe peu à peu dans les autres régions de l’île. L’Ouest représentait l’année dernière 16 % de ses adhérents et le Nord, 10 %. Elle a un bureau fixe à Saint-Denis et un bureau ponctuel dans l’Ouest. C’est dans l’Est à présent que Possible souhaite s’implanter. Dans le cadre d’un partenariat avec Saint-André, elle accentue sa mission d’insertion. Au mois de juin ont débuté une série de rencontres avec les publics les plus éloignés de l’emploi dans les quartiers. Pour ces publics, Possible a mis sur pied la première entreprise d’insertion par le travail indépendant (EITI) de La Réunion. Cette nouvelle structure de l’insertion, l’EITI, a vu le jour l’année dernière. Elle est en phase expérimentale jusqu’en 2026.