L’éco-organisme de la filière des huiles minérales tire un bilan positif de sa première année d’exercice et dévoile ses perspectives pour l’avenir. Parmi elles, l’étude technique et économique d’une unité de régénération à La Réunion.
Il y a un an, le 23 mars 2022, Cyclevia obtenait son agrément et devenait l’éco-organisme de la filière des huiles minérales en métropole et dans les Outre-Mer. L’objectif de sa première année d’existence était de mobiliser et de fédérer l’ensemble des acteurs autour d’un projet commun. De ce point de vue, cette première année est un succès. Représentant près de 90 % du gisement des huiles minérales, plus de 180 producteurs ont décidé de rejoindre Cyclevia et de déclarer leurs volumes mis sur le marché. Dès juillet 2022, Cyclevia avait enregistré la quasi-totalité des collecteurs regroupeurs et couvrait ainsi l’ensemble du territoire, offrant aux professionnels la gratuité du ramassage de leurs huiles usagées partout en France. Avec plus de 200 000 tonnes collectées en 2022 (huiles de vidange moteurs et huiles industrielles), la filière se trouve désormais sur d’excellents rails pour tenir les objectifs qui lui ont été fixés : le recyclage de 75 % des huiles collectées en métropole en 2023, 83 % en 2025 et 90 % en 2027.
Cyclevia au côté des collectivités
Depuis le 1er septembre 2022, les collectivités locales ont pu à leur tour s’enregistrer auprès de Cyclevia et bénéficier du ramassage gratuit, en métropole comme en Outre-Mer : 40 % des collectivités sont aujourd’hui enregistrées ou en passe de l’être, soit 60 % des points d’apport volontaire du territoire. L’éco-organisme s’est aussi attaché à concevoir et diffuser des outils de communication destinés dans un premier temps aux personnels pour les aider dans la gestion de ces déchets et, dans un second temps, à l’ensemble de la population pour la sensibiliser à la dangerosité des huiles de vidange et orienter les flux en Déchèterie.
Un plan de prévention et d’écoconception des huiles minérales
L’année 2023 sera marquée par la mise en place de l’Info-tri. À moyen terme, Cyclevia, en partenariat avec les producteurs, construira un plan de prévention et d’écoconception des huiles minérales. L’application le 1er janvier 2023 de l’éco-modulation aux huiles minérales s’inscrit dans cette démarche. L’année 2024 verra ensuite le lancement d’un appel à projet visant à l’implantation en métropole d’une unité de régénération capable de produire des huiles de base régénérées de groupe 2 ou 3 (huiles synthétiques les plus pures).
DES SOLUTIONS SPÉCIFIQUES DANS LES OUTRE-MER
L’augmentation préoccupante des huiles de moteurs et lubrifiants usagés et les distances que ces déchets parcourent, les défaillances souvent constatées des organisations en charge de leur collecte ou encore l’enjeu d’un traitement en local : Cyclevia a commencé à répondre à ces questions. À La Réunion, où Cyclevia s’est implanté avec le soutien du Syndicat de l’importation et du commerce de La Réunion (SICR), 680 tonnes d’huiles usagées ont été exportées vers la métropole au mois de novembre 2022, en vue d’y être régénérées. Dans les départements d’outre-mer, diverses études sont en cours pour expérimenter de nouveaux moyens de collecte et de gestion des huiles usagées. Lors de sa visite à La Réunion en avril 2022, André Zaffiro, directeur général de Cyclevia, avait prévenu que l’éco-organisme travaillerait à développer des solutions locales de pré-traitement ou de traitement dans les Outre-Mer afin de respecter également sur ces territoires le principe de subsidiarité et d’éviter des transports longs et coûteux. L’étude lancée sur l’implantation d’une unité locale de régénération à La Réunion est attendue en 2024 (voir page suivante). Localement, le volume d’huiles et de lubrifiants mis sur le marché chaque année est estimé entre 3 000 et 4 000 tonnes. Avec près de 2 100 tonnes par an, La Réunion représente le plus gros volume d’huiles usagées collecté au sein des départements et collectivités d’outre-mer. Albioma a interrompu la valorisation énergétique des huiles usagées en vue du passage au 100 % d’énergie renouvelable de ses deux centrales thermiques réunionnaises. Jusque-là, quelque 1 000 tonnes d’huiles usagées étaient brûlées par an en centrale thermique.
UN PROCEDE POUR LES PETITS GISEMENTS
Le projet de régénération des huiles usagées s’appuie sur une étude réunionnaise. Pour Cyclevia, cette solution d’économie circulaire est à encourager alors que l’exportation des huiles usagées du territoire se heurte au manque et au coût élevé du fret maritime. Les explications d’André Zaffiro, directeur général de Cyclevia.
Qui réalise l’étude d’une unité de régénération des huiles usagées à La Réunion ?
À l’origine de cette étude se trouve un projet de la société d’ingénierie SC2EI, filiale de EECA, fabricant réunionnais de lubrifiants. Il y a environ cinq ans, cette société a réalisé une étude relative à la filtration des huiles usagées. Une étude assez poussée suivie par l’Ademe. Nous sommes donc en train d’étudier ce projet pour voir quelles en seraient les applications possibles et comment nous pouvons aider cette entreprise dans sa mise en œuvre. C’est un travail tout à fait sérieux qui repose sur des brevets innovants.
Le gisement réunionnais des huiles usagées est-il suffisant pour viabiliser ce projet ?
Le paramètre économique est bien sûr à considérer. Mais il doit aussi prendre en compte d’autres paramètres, comme le coût du fret maritime pour le transport en métropole des huiles usagées afin qu’elles soient régénérées : entre mille et deux mille euros la tonne selon la période. En plus de cet aspect, le transport maritime a été désorganisé par la crise de la Covid. Nous avons aujourd’hui toutes les peines du monde à pouvoir embarquer nos déchets sur un bateau. À lui seul, ce sujet justifie de chercher des moyens de régénération sur place. Si nous réussissons avec la société EECA à obtenir un produit valorisable, les coûts inhérents à l’ensemble du traitement des huiles usagées peuvent être nettement amoindris.
La totalité du gisement sera affecté à ce projet ?
Nous pensons qu’il existe plusieurs solutions pour traiter les huiles usagées. Il y a la solution de la régénération, que nous explorons avec EECA. Il y a aussi la valorisation énergétique et nous encourageons Albioma à poursuivre le brûlage des huiles usagées en centrale thermique. Enfin, il faut conserver la possibilité d’expédier un certain volume d’huiles usagées vers la métropole. Nous avons ces trois solutions. Nous ne devons pas dépendre d’un seul paramètre.
De telles unités de régénération existent-elles en métropole ?
Pas de ce type, non. Les unités de métropole sont beaucoup plus importantes. Elles ont des capacités de plus de 100 000 tonnes. Elles n’en sont pas duplicables sur les territoires d’outre-mer, où les gisements n’atteignent pas la taille critique nécessaire. Le principe de régénération développé par la société EECA n’est d’ailleurs pas celui mis en œuvre dans les grandes unités métropolitaines.
L’écomodulation pour les huiles moteurs est entrée en vigueur le 1er janvier. Comment s’applique le système de bonus-malus ?
L’écomodulation a pour but de développer l’emploi d’huile régénérée dans la production des huiles moteur. Les metteurs en marché paient des écocontributions à l’éco-organisme Cyclevia. Le fabricant qui utilise de l’huile régénérée pour fabriquer ses produits pourra bénéficier d’une diminution de son écocontribution. S’il parvient à mettre sur le marché des produits écolabellisés, selon des critères définis par l’écolabel européen, il sera exempté d’éco-contribution. À l’inverse, mettre sur le marché un produit jugé dangereux selon la classification CLP* entraînera une majoration de l’écocontribution. L’écomodulation permet de favoriser l’utilisation d’huiles régénérées, d’affecter les produits dangereux et de soutenir les produits vertueux.
* Sigle issu de l’anglais classification, labelling, packaging : règlement européen sur la classification, l’étiquetage et l’emballage des produits chimiques.