Si la holding revend les titres apportés dans les trois ans, la holding doit réinvestir 60 % du prix de cession. Mais attention, ce réinvestissement est très encadré. Le plus important à retenir est que la holding doit réinvestir la partie concernée du prix de cession dans une activité commerciale, industrielle, artisanale, agricole, libérale ou financière. L’objectif du législateur étant de nourrir l’activité économique, les activités de gestion du patrimoine mobilier ou immobilier sont donc exclues.
Cette exclusion est susceptible d’être renforcée dans un avenir proche, un amendement au projet de loi pour 2025 a été déposé en ce sens, exposant clairement : « Les activités de gestion de tout bien immobilier ou société immobilière ou de prestation hôtelière au sens de l’article 251 D du code général des impôts sont également exclues du bénéfice de cette dérogation (…). » Le réinvestissement doit intervenir dans les deux ans, et doit durer un an minimum, voire cinq ans pour les parts ou actions de fonds type FCPR (fonds commun de placement à risque ou FPCI (fonds professionnel de capital investissement). Il est possible de réinvestir dans une holding animatrice mais attention, là encore, à bien vérifier qu’elle ait une véritable activité commerciale.
Comment réinvestir ?
La holding peut :
• financer des moyens permanents d’exploitation affectés à son activité (matériels…) ;
• acquérir des titres d’une société opérationnelle ou d’une holding animatrice. Cette acquisition doit conférer le contrôle de la société opérationnelle en lui permettant soit de détenir la majorité des droits de vote ou des droits sur les bénéfices, soit d’exercer le pouvoir de décision ;
• souscrire au capital d’une société opérationnelle ou d’une holding animatrice en numéraire au capital initial ou lors d’une augmentation de capital, sans condition liée au contrôle de cette société ;
• souscrire des parts de capital investissement (FCPR, FPCI, SCR, SLP), à condition que le fonds détienne au moins 75 % de sociétés opérationnelles.
Sur quel support réinvestir ?
Il est permis et même conseillé de placer son argent sur plusieurs supports distincts afin de limiter les risques. Le dirigeant peut réinvestir :
• dans une société commerciale d’un tiers, en respectant bien les conditions décrites plus haut. Attention, car si les conditions d’éligibilité ne sont pas remplies, le report de plus-value tombe. Une durée de dix ans est conseillée, et les rendements sont très fluctuants ;
• en prenant une participation dans des sociétés non cotées via des fonds spécialisés de private equity (FCPR, FPCI) pour financer leur croissance ou leur restructuration. Dans ce cas, une société de gestion gère les fonds et évite d’y consacrer du temps. Il faut généralement attendre cinq à dix ans avant de récupérer en capital à la fin. Il est possible de choisir le secteur dans lequel on peut réinvestir. Le rendement peut aller jusqu’à être supérieur à 10 % par an. Attention, il est obligatoire que le FCPR investisse au moins 75 % dans des sociétés non cotées, sinon le report de plus-value tombe et le dirigeant perd le bénéfice de l’apport-cession ;
• dans un Club Deal Immobilier (5-6 ans), souvent par le biais d’un FCPI, qui peut rapporter autour de 7 % par an. Plusieurs investisseurs prennent part au projet et achètent un bien rare en commun (un hôtel, un immeuble…) pour le rénover puis le revendre, par exemple.
Les conséquences des changements de situation
Plusieurs cas de figure peuvent se présenter.
• Si le dirigeant déménage hors de France, la plus-value est immédiatement due.
• S’il décède, la plus-value en report est purgée définitivement. Les héritiers n’auront jamais à la payer.
• S’il transmet la holding dans le cadre d’une donation, la plus-value en report est purgée si les donataires conservent les titres cinq voire dix ans après la donation. Sinon, les donataires (enfants) devront payer 100 % de la plus-value en report en lieu et place du donateur.
• S’il échange les titres de la holding : maintien du report initial et, le cas échéant, des reports successifs, quel que soit le nombre d’opérations réalisées dans le cadre des dispositions de l’article 150-0 B ter du CGI (qui réglemente le dispositif d’apport-cession).
• S’il vend la holding qui détient la société de participation (par cession, rachat, annulation des titres par réduction de capital, etc.) : la plus-value est immédiatement due.
• En cas de vente de la société d’exploitation par la holding, tout dépend si la vente a lieu avant ou après une durée de trois ans. Avant la fin de la troisième année de l’apport, le report est maintenu si 60 % du prix de cession est réinvesti dans une « activité économique ». Il n’est mis fin au report d’imposition qu’à proportion des titres cédés, rachetés, remboursés ou annulés. Après la fin de la troisième année de l’apport, le report est maintenu tant que les événements précédents n’interviennent pas (cession holding, donation, décès, expatriation). Si la holding ne vend qu’une partie de sa société d’exploitation, ce n’est que sur cette partie qu’il doit réinvestir. Par exemple, s’il vend 60 %, les 40 % restants resteront toujours en report d’imposition.
Si les conditions ne sont pas respectées, il faut payer la plus-value
Si le dirigeant ne respecte pas les conditions de réinvestissement de 60 %, la plus-value est immédiatement due, avec des intérêts de retard (0,2 % par mois) décomptés à partir du jour de l’apport des titres. Si le FCPR ou FPCI dans lequel il a investi ne remplit pas la condition de 75 % d’investissements éligibles, la plus-value est due si cette condition n’est pas remplie au terme des cinq ans de placement. Une attention toute particulière doit être portée aux obligations déclaratives. Elles sont nombreuses, à toutes les étapes : l’année de l’apport (constitution de la holding), pendant le report et l’année de fin de report. Elles doivent être réalisées, selon les obligations, par le donateur et par le donataire. En cas de non-respect, ils risquent une amende de 150 euros par déclaration non effectuée, et surtout la perte du bénéfice du report d’imposition.
Un exemple de préconisation
Toujours dans l’hypothèse d’une valorisation de la société d’exploitation à un million d’euros, une bonne solution peut être, pour le dirigeant, de conserver 20 % de cette société en direct et d’apporter 80 % à la holding.Les 20 % (200 000 euros) permettent d’obtenir 140 000 euros (après paiement de la flat tax de 30 %) libres de réinvestissement, sur son compte bancaire personnel. Les 80 % (800 000 euros) permettent de diminuer le montant des 60 % de réinvestissement dans une « activité économique » (480 000 euros au lieu de 600 000 euros) et d’optimiser la plus-value sur les 40 % libres de réinvestissement (320 000 euros au lieu de 400 000 euros). Cette solution permet de s’acquitter de ses dettes personnelles et/ou de concrétiser un projet personnel en évitant la frustration de ne pas pouvoir utiliser les fruits de cette vente. Elle permet également de créer des revenus complémentaires en direct (dividendes) et non au sein de la holding pour ne pas tout encapsuler.
AVANTAGES ET INCONVÉNIENTS DE L’APPORT-CESSION : LES POINTS CLÉS À RETENIR
• Obligation de réemploi de 60 % du prix de cession en cas de cession dans les trois premières années après l’apport.
• Le produit de cession est encapsulé au sein de la holding à l’IS : une fiscalité sera due en cas de distribution de dividendes ou de réduction de capital (30 %).
• Perte du bénéfice de l’abattement de 500 000 euros pour départ à la retraite.
• Administratif : gestion de deux comptabilités, deux approbations des comptes avec les coûts que cela engendre.
MAIS :
• Le dirigeant conserve 100 % du prix de cession et peut réinvestir l’intégralité, sans fiscalité, afin de se créer des revenus complémentaires.
• Il peut démarrer sa transmission successorale et préparer sa retraite.
• Les placements éligibles pour réinvestir sont très diversifiés et rémunérateurs, bien qu’ils ne doivent pas représenter l’ensemble du patrimoine placé.