En moyenne 80 millions de tonnes de poissons sont déclarées pêchées en mer chaque année. À ce nombre pourraient s’ajouter jusqu’à 26 millions de tonnes de poissons pêchées de façon illégale, d’après un rapport d’enquête de la Fondation de la mer, association fondée par des experts du monde maritime, qui fait 89 préconisations concrètes pour lutter contre ce fléau.
La pêche illégale, non déclarée et non réglementée (INN) est en effet un fléau économique, social, environnemental et politique, car au-delà de mettre les stocks de poissons en danger et de menacer la sécurité alimentaire mondiale il est aussi question de corruption, de pratiques mafieuses, d’esclavage « moderne » et de crime organisé. Il est difficile d’en définir l’ampleur puisque, par principe, elle n’est pas mesurable, mais les estimations de divers experts s’accordent : elle correspondrait à un volume entre 11 et 19 % en plus des prises déclarées. La pêche INN génère une surexploitation des océans, détruit l’équilibre des écosystèmes marins et menace un modèle d’économie durable en privant l’économie mondiale de 10 à 23 milliards de dollars. La Fondation de la mer alerte le grand public et les décideurs politiques en présentant un rapport sur la pêche illégale, accompagné de 89 préconisations pour sortir de cette spirale destructrice. Ce rapport d’enquête est la conclusion de deux ans de recherches, incluant 44 entretiens réalisés avec des experts de la filière pêche et la participation de deux opérateurs satellitaires.
Stopper les trafics en utilisant des moyens indirects
La Fondation de la mer a établi 89 préconisations. Ces préconisations concernent de nombreux sujets qui encadrent la pêche, comme le droit, les outils de gestion ou encore les connaissances scientifiques. Parmi ces recommandations, on trouve la « stratégie Al Capone ». La pêche INN est un enjeu si vaste qu’il est nécessaire de vaincre ce problème avec des moyens plus larges que ceux que l’on connaît habituellement pour la pêche. Cette méthode ne se contente pas de stopper la pêche INN, elle traque également les ramifications criminelles qui l’accompagnent. Cette stratégie s’attaque par exemple à l’état des bateaux et à la sécurité des équipages, établissant des bases solides pour des pratiques maritimes responsables. Elle mobilise aussi tous les leviers disponibles permettant d’informer et responsabiliser l’ensemble de la filière ainsi que les consommateurs.
Un enjeu écologique et économique considérable
« Avec des experts, nous avons travaillé à des préconisations pour vaincre la pêche INN par différents moyens : juridiques, scientifiques, techniques, politiques… Mieux protéger et gérer les stocks de poissons conduira à une meilleure santé des océans. L’économie de la pêche s’en portera mieux, les pêcheurs réguliers aussi, et cela contribuera grandement à mieux nourrir l’humanité, notamment les plus démunis. Lutter contre la pêche INN est donc un enjeu économique majeur, mais aussi et avant tout, écologique. En agissant contre cette menace, nous protégeons l’Océan, dont dépend la survie de notre planète et de l’humanité », explique Sabine Roux de Bézieux, présidente de la Fondation de la mer.
La pêche abusive
La pêche illégale est pratiquée par des navires nationaux ou étrangers dans les eaux territoriales d’un État, sans l’autorisation de cet État ou contrairement aux lois et réglementations de ce dernier. La pêche non déclarée désigne la non-déclaration, la déclaration erronée ou la sous-déclaration des informations relatives aux activités de pêche ou de capture. La pêche non réglementée couvre la capture de stocks qui ne font pas l’objet de mesures de gestion et de conservation dans une zone de pêche donnée.