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samedi 23 novembre 2024

Nicolas Feuillatte : la coopérative qui fait rayonner le champagne dans le monde

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Le champagne connaît un succès qui ne se dément pas à la Réunion comme partout dans le monde. Sur l’île, les fines bulles s’incarnent aujourd’hui dans un nom en particulier, celui de Nicolas Feuillatte, fondateur d’une marque devenue la troisième la plus vendue dans le monde, la première en France, et la première à la Réunion. Nous avons souhaité mieux connaître l’entreprise qui se trouve derrière la marque de champagne préférée des Réunionnais, la plus jeune des maisons de Champagne, 45 ans, et les raisons de son succès. L’union de coopératives Nicolas Feuillatte rassemble plus de 5 000 vignerons adhérents. Avant la pandémie, Nicolas Feuillatte venait de battre un nouveau record de production en 2019 avec 11,2 millions de bouteilles vendues. Christophe Juarez, directeur général du groupe vinicole Nicolas Feuillatte, nous fait comprendre l’originalité de cette Maison de Champagne pas comme les autres et les clés de sa réussite. Il annonce par ailleurs des nouveautés surprenantes destinées aux DOM-TOM pour la fin d’année. Ou comment « Libérez les bulles ! » sous nos tropiques !

Comment expliquer la croissance aussi rapide et considérable de la coopérative Nicolas Feuillatte ?

Lancée en 1976, notre maison a profité de l’essor économique mondial, de l’éclosion du marché du luxe et de la transformation de la consommation de vins. Nous avons aussi construit le succès de la Maison autour du consommateur et de ses modes d’achat, en assurant une forte présence dans la grande distribution en plein essor dans les années 80, ainsi que dans les avions et les lieux de tourisme. La culture et les progrès de l’œnologie, l’ouverture des domaines viticoles, la curiosité des consommateurs ont porté le vin vers les segments haut de gamme. Le champagne, et Nicolas Feuillatte en particulier, a bénéficié de cette appétence pour l’art de vivre et la gastronomie.

Compte tenu du contexte actuel, comment se présente le marché du champagne à l’approche des prochaines fêtes ?

En matière de consommation, les six premiers mois de l’année ont été marqués par une reprise aussi fulgurante que l’a été la chute brutale provoquée par la crise sanitaire et les mesures de confinement prises par de nombreux pays en 2020. Beaucoup de nos clients fidèles aux réseaux du CHR, à ceux de la vie nocturne ou habitués à voyager intensément aux quatre coins du globe, n’ont pas retrouvé leurs rituels, contraints par la menace pandémique. Et pourtant, la vitesse de la reprise des ventes de champagne a été très élevée et témoigne du grand attachement à notre appellation. De très nombreux pays, traditionnellement forts consommateurs, ont vu leurs chiffres s’accélérer dans des proportions tout à fait remarquables, qu’ils soient sur le continent américain ou en Europe. Nous avons constaté un report massif des ventes vers la consommation à domicile dont ont bénéficié les circuits de cavistes, l’e.commerce et les enseignes de la grande distribution. La croissance attendue des ventes pourrait se situer aux alentours de 15 à 18 %. Cette formidable capacité du champagne à traverser les périodes les plus difficiles de notre histoire contemporaine en dit long sur la ferveur qui entoure toujours le rituel du champagne, partout dans le monde.

Mettez-vous en avant des produits en particulier pour les fêtes ? Des nouveautés sont-elles prévues ?

Christophe Juarez

Nous présentons dans les DOM-TOM une édition limitée, ‘Escale en Terre Africaine’, qui porte haut un imprimé Wax très contemporain pour habiller joyeusement le champagne Sélection Demi-Sec. Le célèbre tissu est la toile de fond qui met en lumière l’emblème de notre Maison. Nous avons travaillé étroitement avec le Centre des Créateurs de Mode du Cameroun (CCMC) sur le design.
Par ailleurs, nous allons également révéler une toute nouvelle plateforme de marque centrée autour d’un positionnement fort dont la campagne “ Libérons les bulles ! ” travaillée en illustration et qui revendique la différence de Nicolas Feuillatte : le champagne hors code qui se développe sur un modèle coopératif unique fort de 5 000 vignerons.

Avant la crise, le marché réunionnais du champagne dépassait le million de bouteilles. Considérez-vous la Réunion, et plus généralement les DOM-TOM, comme des petits marchés internationaux ou comme une partie du marché français ?

Les DOM-TOM sont historiquement rattachés à notre organisation internationale et les statistiques officielles du Comité Champagne les considèrent comme telles. Ce n’est pas un petit marché, car nos ventes y sont exceptionnelles. Champagne Nicolas Feuillatte est bien le champagne préféré des français d’Outre-Mer ! D’un point de vue pratique, nos équipes gèrent ces marchés comme de l’International car elles sont amenées à voyager dans les pays voisins, aux Caraïbes, à Maurice, et à tourner sur tout le continent africain.

Quels sont vos circuits de distribution à la Réunion ?

La marque est distribuée dans la grande distribution à La Réunion, dans la boutique Duty Free de l’Aéroport Roland Garros, et vous retrouvez aussi notre champagne sur la compagnie régionale Air Austral. Outre la distribution, nous devons également saluer le consommateur réunionnais. En effet, une étude inédite réalisée exclusivement sur le territoire en avril par IPSOS a démontré que Nicolas Feuillatte bénéficie d’une notoriété quasiment deux fois supérieure à la Réunion qu’en Métropole – où la fidélité de nos clients a aussi été soulignée. C’est exceptionnel !

La gamme Nicolas Feuillatte est l’une des plus étendues et complètes des maisons champenoises. Tous vos champagnes sont-ils disponibles localement ?

Chacun de nos marchés a accès à une sélection de vins suivant la nature et le potentiel de développement de sa clientèle. C’est pourquoi nous sommes l’une des rares maisons à concevoir des cuvées dédiées à chaque secteur de distribution spécifique. La grande distribution à la Réunion et le Duty Free, avec la boutique aéroport et Air Austral, ont des gammes et des assortiments différents.

Nicolas Feuillatte a bouleversé le marché du champagne, il y a quelques années, en le rendant accessible à tous. Comment êtes-vous parvenu à créer des champagnes de bonne qualité vendus à moins de 20 euros en GMS ?

Nous avons eu une croissance très rapide en diversifiant nos circuits de distribution et en optant pour une approche omni-canal. Cela nous a permis de devenir le troisième opérateur mondial et de vendre plus de 10 millions de bouteilles. Avant de nous lancer, nous nous sommes posé la question de la meilleure adéquation aux besoins du marché, avant même de recevoir nos premiers raisins. Nous arrivions en 1976 face à des maisons très connues, plus statutaires, et devions justifier de notre existence au-delà de la personnalité exceptionnelle et de l’énergie de notre créateur, Monsieur Nicolas Feuillatte. Nous avions affiché nos ambitions avec un slogan célèbre, « Epernay, New York, Ailleurs », et saisi l’opportunité de placer nos vins sur le créneau du luxe accessible, en plein essor à l’époque. En somme, nous avons créé une nouvelle catégorie, à la croisée des chemins entre les grandes marques et les premiers prix.

Outre des prix intéressants, Nicolas Feuillatte se définit comme le champagne « des nouveaux styles de vie ». Quels sont les nouveaux modes de consommation et nouveaux usages du champagne ?

Plus qu’un nouveau style, ce sont les occasions de consommation que nous voulons mettre en avant, comme le fait de servir nos champagnes tout au long d’un repas dans des accords mets/vins. Il ne faut pas oublier que le champagne est un vin ! Au-delà, Nicolas Feuillatte a relancé l’idée de l’enchantement, de la décontraction, de la consommation de champagne à tout moment et en toutes circonstances. Pas besoin d’attendre une occasion particulière pour ouvrir une bouteille de champagne et donner une dimension particulière à ce moment de partage. Libérons les bulles !

Faut-il banaliser le produit pour le rendre plus attractif ?

Au contraire, il faut entretenir la magie et le geste associé à l’ouverture d’une bouteille de champagne à deux ou à plusieurs autour d’un magnum ! Le vrai luxe que symbolise le champagne consiste à faire que les choses se fassent sans effort, sans difficultés, dans une grande simplicité. C’est le charme de nos vins que d’être séduisants et charmeurs dès la première gorgée… Et pourtant, si vous saviez combien il faut apporter de soin à la sélection des raisins, la précision de l’assemblage, la qualité des vinifications, le temps de vieillissement en cave ! Chaque étape d’élaboration est cruciale. C’est sûrement le vin le plus complexe à maîtriser.

 

Avec des prix aussi attractifs que les vôtres, s’agit-il uniquement d’une stratégie de volume, et cette stratégie n’a-t-elle pas ses limites sur un marché comme la Réunion, qui a du potentiel, mais qui n’est pas extensible éternellement ?

Nous ne considérons pas le prix comme motivation première du client. Le marché réunionnais est très dynamique et la forte fidélité du consommateur au style de nos vins de champagne est notre meilleure arme.

Si vous deviez définir en quelques mots ce qui caractérise Nicolas Feuillatte dans l’univers du champagne, lesquels choisiriez-vous ?

Je pense que nous symbolisons le renouveau du discours autour du Champagne, la jeunesse et la dynamique d’une marque audacieuse, son impertinence, sa proximité et ses affinités avec le consommateur, la variété infinie de cuvées et la précision de nos assemblages.

Nicolas Feuillatte regroupe 82 coopératives ! En quoi votre modèle coopératif est-il unique ?

Une coopérative est l’extension de l’exploitation d’un vigneron. Dans un contexte de vendange peu abondante comme 2021, nous sommes un amortisseur de crise écrêtant les pics de revenus et visant le long terme avec des contrats qui garantissent des débouchés et un intéressement aux résultats. Nous sommes un véritable accélérateur de développement pour nos adhérents qui peuvent envisager avec nous de voir leurs récoltes vendues aux quatre coins du monde. Sans compter la fierté d’appartenance à un acteur de premier plan.
En décembre prochain est annoncée la fusion avec une autre grande coopérative, Castelnau.

Pourquoi cette fusion ? L’avenir du champagne français impose-t-il une course à la grandeur et à la performance ?

Le but n’est pas d’être le plus grand, mais le meilleur dans sa catégorie. Nous sommes en mesure de répondre à de multiples opportunités de marché. Convergeant sur cette vision commune, le CV-CNF et la Coopérative Régionale des Vins de Champagne souhaitent structurer un rapprochement qui optimise les compétences, les marques et les positions acquises pour en faire une entité ambitieuse. Les parties pourront ainsi contribuer à construire un nouveau groupe porté par un collectif de 6 000 viticulteurs et parmi les cinq premiers leaders.

L’année 2020 a vu, avec la crise sanitaire, une chute de 20 % des expéditions de champagne. Comment avez-vous traversé cette épreuve ? Vous a-t-elle contraint à réduire votre production ?

La priorité a été donnée à la santé et à la sécurité de nos collaborateurs. Nous avons arrêté totalement la production pendant six semaines en mars 2020, ce qui est sans précédent. Nous sommes repassés sous la barre des 10 millions de bouteilles sur l’exercice 2020, essentiellement à cause de la fermeture du Travel Retail et du CHR.

L’économie réunionnaise subit actuellement les contraintes de la hausse du coût du fret et de la raréfaction des conteneurs. Êtes-vous également affecté par cette situation pour desservir le marché réunionnais ?

Comme tout le monde, nous sommes impactés par cette difficulté et devons anticiper.

Cinquième plus ancienne maison de champagne, la Maison Abelé 1757 a été rachetée par Nicolas Feuillatte. Le développement de Nicolas Feuillatte passe-t-il aussi par le rachat de maisons historiques ?

Oubliez Nicolas Feuillatte. Nous sommes ici dans une approche de groupe inédite qui possède une activité coopérative et gère indépendamment une Maison de Négoce. Les deux entités ont une mission et des statuts différents, des approvisionnements en raisin distincts et deux chefs de cave. C’est toute la richesse de ce nouveau modèle qui permet de s’intéresser à toutes les facettes du marché, soignant l’indépendance de cette pépite régionale nichée à Reims.

Prévoit-on les effets du réchauffement climatique sur le vignoble champenois et ses conséquences sur la production de champagne ? Un impact est-il déjà perceptible et comment vous préparez-vous à cette évolution ?

Le changement climatique frappe à la porte de la région champenoise. Les vignerons doivent envisager un changement rapide de la conduite de leur vignoble septentrional, un tournant délicat à opérer pour une organisation parcellaire particulièrement fragmentée. Davantage d’investissements, de professionnalisme, de robotique, de technicité et d’excellence d’exécution vont être nécessaires. Nous sommes d’ores et déjà durement frappés par des séquences de calamités impressionnantes, comme cette année marquée par un gel sévère, des épisodes de grêle violents, des tempêtes, des glissements de terrain et une pluviométrie abondante. La dernière fenêtre météorologique clémente nous a réchauffé quelques jours, mais elle sera insuffisante pour redresser la nature complexe d’une matière première hétérogène à plus d’un égard. Nous accompagnons nos vignerons-adhérents dans leurs réflexions.

Propos recueillis par Carole Manote

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